Le départ en cure

Cette année-là, je suis tombée malade. J’ai gardé le lit pendant plusieurs semaines et puis le verdict est tombé : je devais partir en cure. J’avais 15 ans. Je n’ai pas eu la force de dire non. Je n’ai pas eu la force de porter mon bagage. A peine si je me suis habillée. En me regardant dans la glace de la salle de bain, le matin de mon départ, j’ai remarqué que ma peau n’était plus la même. Même les pupilles de mes yeux me semblaient ternes.

L’ambulance est arrivée comme prévu. Sur le pas de la porte, j’ai embrassé mes parents, mon frère blotti dans les bras de maman, et Yvane. Yvane a pleuré. Je savais que l’après-midi elle irait rejoindre Christophe et qu’il la consolerait. Moi, je me suis assise dans la voiture et je n’ai plus pensé à rien. J’ai regardé le paysage. L’ambulancier n’a pas tenté de me faire la conversation. Il devait être habitué aux gens tellement exténués qu’ils ne peuvent même plus ouvrir la bouche pour dire trois mots.

Il était entendu qu’on s’arrêterait pour le déjeuner dans une auberge, à Pontavalet. Il était midi quand on y est arrivés. J’avais le pied lourd en entrant dans la salle à manger. On nous a montré une table et je me suis affalée d’un bloc sur la chaise. Quelques mangeurs se sont arrêtés pour nous regarder. J’avais les lèvres sèches et le dos douloureux. « Je vous apporte de l’eau glacée » a dit l’aubergiste Je lui ai souri avec un mouvement de tête qui aurait voulu remercier. Elle nous a apporté aussi vite un bouillon fumant avec un morceau de poulet. J’avais l’impression que mon cou peinait à tenir ma tête. De retour dans l’ambulance, je me suis allongée. L’ambulancier parlait. Par intermittences, j’avalais des bribes de phrases. Je crois que sa femme l’avait quitté.

La nuit était tombée et on roulait encore. Je pensais qu’en montagne le spectacle des étoiles serait splendide. Et c’était vrai. Quand on est arrivés, j’ai levé les yeux vers le ciel et j’ai vu un maigre croissant de lune en forme de C qui brillait haut, très haut. Et des étoiles comme jamais.

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