Le froid

Antonin prend son café, noir comme le ciel. Chez lui tout est sombre, couleur béton. La lumière du soleil, il la trouve dans le vin blanc, le miel et le sourire d’Irène. Irène, c’est la serveuse de son café.
Il vient tous les matins, avant de. Avant d’aller au travail, au sport ou à la messe. Des lieux où il écoute, attend, mais ne trouve aucune réponse. Ni à son corps, ni à son esprit, ni à son coeur.
Mais il aime bien ce comptoir, tout de zinc vêtu, gris comme chez lui. Il lui est familier, et lui renvoie une image douce de son visage. La douceur de la distance, du passé fantasmé.
Cela fait plusieurs jours qu’il remarque un groupe de travailleurs dans son bouiboui préféré. Ils sont tout habillés de vert, et ça donne à Antonin l’impression d’être dans la nature. Ils sont rigolards qui plus est. Il faut dire que les éboueurs qui commencent à karchériser dès 5h00 du matin, ça se détend à 8h30. Et c’est bien mérité.
Et surtout ils sont en groupe. Ils se déplacent à plusieurs. Comme les loups, les racailles, ou les sardines dans les boîtes. Ils ont des gourmettes, la mine rouge du froid, et ils parlent fort : « Tu sais, comme on dit dans les steppes de Mongolie, « le froid ça convient aux femmes ». J’ai vu ça sur la 3. Les mecs ils étaient bons à l’époque : du tissu, un peu de foin autour des hanches, de la graisse d’otarie, et ils partaient à la conquête du monde. Et béh ils savaient déjà qu’une femme, faut pas qu’elle s’échauffe, ça fait du grabuge sinon ».
Antonin savait que c’était bête tout ça, mais il l’aimait cet homme ; il aurait aimé être adopté.

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