On se calme ?

se calmer + photo de jeune femme énervée

(Photo par Maria Mochnacz)

Oui je sais : « You are Polly Jean » et tu dégaines tes poings serrés à la première occasion. Pas avare en doigt du milieu non plus. Alors « se calmer », c’était pas ta tasse de thé au départ, n’est-il-pas ? En marcel blanc et le cheveu comme un arc électrique , tu fais la fière à bras dans tes Doc Martens à quarante-deux œillets lacées jusqu’aux genoux. Ton jean est tellement serré qu’on serait bien en mal d’y glisser une feuille de papier à cigarette. Il t’a sûrement fallu un pied de biche pour rentrer dedans.

Bon, de toute manière, t’es pas venue pour la Fashion Week, hein ? T’es là rapport à la colère qui t’habite, à l’épine dans la chair sur tes os.  Et tu déverses ton punk-rock énervé sur ce vieux pays humide qui n’en finit plus de prendre l’eau.  « God Save the Queen » et puis quoi encore ? C’est pas tant de la musique que tu fabriques, mais plutôt de l’électricité en gros. Par ici les mégawatts, ton garage va exploser et tu n’en as cure.

Poussez pas, y en aura pour tout le monde : les politiciens, les cons du camp d’en face, les bas de plafond, les machos…  Ouais surtout les machos, et de toute obédience d’ailleurs. Pas de discrimination en la matière : t’es prête à les prendre un par un et jusqu’à épuisement. Depuis qu’ils sont en première ligne, ils fanfaronnent subitement un petit peu moins.  Curieux.

Faut dire que tu en imposes. 1992. « Dry ». 1993. « Rid of Me ». Deux premiers disques : tendus, secs, fiévreux, bruts. Le sous-titre idéal et la version originale de notre colère française et post-pubère. Et l’Union Jack sur les murs de nos chambres ou nos blousons, c’était beaucoup pour toi PJ. Messieurs les Anglais, ne vous en déplaise, vous n’avez pas le monopole du pogo. On pratique aussi de ce côté du Channel. Demande à la Mano, tiens, juste pour voir. Mais je m’égare…

Vingt et quelques années plus tard, je ressors toujours l’un ou l’autre CD de temps en temps. Quand le besoin s’en fait sentir : si ça bouillonne ou que ça somnole de trop. Je recharge alors ma batterie à cette source follement énergisante. C’est pas des baies de Goji ou une cure de Ginseng, hein ! Résultat immédiat garanti !  Idéal pour réveiller le ponk qui roupille au fond du bobo jazzophile, bluesophile, classiquophile, bref musique-qui-s’écoute-assis-ophile que je suis devenu. Et lui filer de salutaires coups de latte de temps à autres.

Un de ces deux disques, c’est sûr, fera partie des fameux dix que je mettrais dans ma valise. Pour l’ile déserte ou la maison de retraites. Rangez les défibrillateurs, plus besoin. On va pas baisser la garde tout de suite. La colère se meurt comme le reste mais ne se rend pas.

Bon, on fait les marioles mais tant que l’homme sera mortel, il faudra quand même bien jouer un petit peu la montre. Alors, toi aussi, tu t’es un peu calmée.  T’as mis un paquet de piano dans ta guitar-bass-drums et il paraît que t’as même pris des cours de chant. T’as enregistré ton dernier disque dans des églises de campagne. Pour l’acoustique soit disant. Ok c’est pas mal mais, sorry, sur ce point et pour les énergies je préférerais quand même toujours ton garage.

Ceci dit, t’as toujours la dent dure et la plume acerbe pour ton cher Royaume. On t’a pas vue en jupe à paillettes aux côtés d’Elton John et Sir Paul Mc Cartney au jubilé de la reine le mois dernier. No F***ing Way ! Je parierais même bien 10 livres que t’as plutôt ressorti ta grosse guitare et saturé ton ampli pour l’occasion. Ce serait bien de toi.

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3 réponses à On se calme ?

  1. Agrippa DELIL dit :

    Comment dire ? J’ai vibré en lisant ton éloge, ça déchire grave. Je souhaite vivement que cette déclaration d’amour parvienne un jour à PJ
    Et je suis d’accord avec toi, c’est bien plus fort que les baies de Goji et bien plus efficace que le Prozac. D’ailleurs nous devrions nous associer pour qu’à l’avenir les CD de PJ Harvey soient remboursés par la sécu.

  2. CAROLINE dit :

    Je ne connais pas PJ mais je suis convaincue et requinquée à la seule lecture de son nom dans ton texte. Mais quand même avec les lattes, vas-y doucement…

  3. Laetitia C dit :

    On s’y retrouve! Comme pour de vrai… Et c’est vrai que ça fait du bien de sentir son sang bouillonner comme ça de temps en temps…. Merci à toi de nous le faire revivre aussi bien!

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