A l’ombre de sa déception

Toujours la même histoire. Les sempiternelles doléances, les regrets ressassés derrière ses volets fermés. A l’ombre de sa déception, elle se place comme la victime d’une intrigue fomentée par les Autres. Ces autres qui veulent du mal. Ces autres qui inspirent la méfiance et le défi car ils sont autres, c’est-à-dire hors de son contrôle et de son appréhension. Ça lui donne le vertige et une méchante envie de se plaindre, de se lamenter sur ce sort dont elle a abandonné la responsabilité. Comme si sa vie n’avait plus d’importance depuis longtemps. En avait-elle déjà eu de l’importance d’ailleurs ? Elle s’était dessaisie de son existence, avait renoncé dès le début, dès ses plus jeunes années. Expropriée et obéissante, elle vivait selon les règles d’une société stricte et violente, ployait sous les regards de ses parents, puis de son mari, enfin de ses enfants.

Quitte à se noyer, autant le faire dans l’alcool. Les bouteilles ne jugent pas. Elles ne blessent pas l’amour propre à coups de poing ou de remarques acerbes. Elles la grisent. Pour une fois, c’est sa décision. Décider de ne rien décider, de se laisser porter, voyager au milieu d’une vie sublimée qu’il lui fallait abreuver régulièrement pour éviter qu’elle ne se dissipe avec les dernières vapeurs. Elle était enfin le sujet de sa vie ou plutôt de son refus de vie et plus l’objet des Autres. Ces autres qui veulent du mal. Ces autres qui la méprisent.

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire