Des poux !

J’ai la tête rose. Comme les coussinets des pates de mon chat ; comme les joues d’une hollandaise après avoir couru. Plutôt avenant, pas antipathique. Pourtant on me pourchasse. Pire, on me poux-chasse : j’ai des poux.
Je dois avouer qu’à 9 ans, je suis censé jouer dans la boue, me faire gronder pour mes trous dans mes pulls, et me plaindre de l’abus d’autorité : « c’est pas juste, moi je peux pas regarder le film le soir, alors que Magali elle a le droit, et pourtant c’est une fille ! ».
Mais malgré mon âge, je fais attention à mon image sociale. Ca doit être une question de génération. Avoir des poux ça craint, c’est la honte. C’est pas tant que ça dit que t’es sale, à la limite on s’en accomode, c’est correct sur l’échelle du cool.  C’est plutôt que t’as plein d’adultes qui te regardent avec des gros yeux, les narines dilatées, et leurs doigts qui touchent ta tête.
Si à la limite j’avais attrappé ça dans un poste de police, ou un tournoi de Warcraft. Mais non, moi c’était samedi dernier, chez papi, à la campagne, en l’aidant avec ses choux. Le chou c’est pas bon, mais quand j’étais petit on me disait que nous les garçons on venait de là, donc je trouvais ça sympathique. Enfin, jusqu’à cette semaine. Mais vue la conséquence sur mes cheveux, obligés d’être tondus, on dirait que j’ai trahi, je les aime plus les choux. J’ai aucune gloire, j’ai aucune histoire cool à raconter. J’ai un papi bouseux et des poux plein les cheveux.
Va falloir que ça repousse. Je reste dans mon coin. Caché, en silence. La bouche fermée. Et pendant ce temps-là, les autres s’amusent dans la cour. Ils sont à la lumière, ils sourient, ils grimacent. Et moi, j’attends.

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