Décadent

Il est las. Là de son corps. Las de son oisiveté. Sa vie luxueuse l’inconforte par sa monotonie. Même le raisin blanc d’Italie, sa mère patrie, ne le stimule plus. Il ne remarque plus que le goût terreux du pépin qui craque contre ses mâchoires engourdies. Il ne cherche plus à l’éviter, ne le fait plus naviguer entre la pulpe du fruit et ses dents jaunies, comme un fuyard évite les lances et les projectiles de ses pourchassants, empli de l’énergie vitale. Celle-là même qu’il ne connaît plus qu’en souvenir.
Le bruit ne le réveille plus. Pire que tout, désormais il sait. La richesse lui a apporté le pire des présents : la conscience de luit-même. S’il l’avait eue plus jeune, il aurait évité cette décadence. Mais à son âge, il préférerait ne rien voir, continuer à courir tête baissée, mais glaive levé, vers les boucliers et les chevaux ennemis. Vers une mort pleine de sens, celle qui couronnerait la vie qu’il était censé avoir eue : celle d’un fat. Mais non, cette absence ‘occupation l’a poussé à ouvrir les yeux : il ne fait rien, non pas avec la délectation du repos, mais avec l’aigreur de l’inutile. Son entourage est acide. Ses pensées sont saturées. Ses gestes sont des reflux.
Il n’a pas suffisamment de pouvoir pour attiser les convoitises haineuses. Il est las. Las de penser à tout ça ; là sur son sofa, allongé sur une peau de bête. Il lui reste son vin et son raisin. Il somnole, et rêve de s’endormir.
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