La plage

Tu marches sur la plage. Tu es partie tôt ce matin. Je ne t’ai pas entendu te lever. Tu nous a laissés seuls dans cette grande maison sans nous prévenir. Rester entre ces quatre mûrs te rendait folle. Il avait plu toute la journée. Une pluie froide et violente qui nous transperce et avait donc empêché toute sortie même bien couverts. Je sentais ton chagrin palpable. Cette maison t’oppressait. Trop de souvenirs.
Tu es là ce matin au bord de l’eau, la mer monte doucement, le ressac dans les rochers rythme sa lente progression, inexorable vers le haut de la plage. Tu aimes cette solitude. Il est encore tôt. Les familles en vacances ne sont pas encore installées et rien ne vient rompre ce lien qui te noue à cette crique. Tu l’aimes depuis le premier jour où tu l’as découverte. Ces gros galets, ronds, polis par les marées, le vent et le sable. Leurs couleurs qui évoluent tout au long de la journée avec les changements de lumière. Les vagues qui les recouvrent d’un voile d’eau et les font scintiller. Le soleil rasant ou plombant qui accentue leurs courbes sensuelles.
Tu es dans tes rêveries. Les jambes de ton pantalon relevées, tu avances. Tes pieds fendent l’écume des vagues qui s’étalent devant toi, comme un voile de mariée jeté aux pieds du lit de noces. Tu fermes les yeux et écoutes les vagues qui se brisent sur le sable et se heurtent aux rochers. Tu es la debout entourée par le brouhaha de la mer. Tu sens les embruns sur tes bras et ton visage. Ils se mêlent aux premiers rayons du soleil pour réveiller tes sensations. Tes lèvres sont salées.
Tu t ‘allonges sur le sable et ouvre tes yeux. De gros cumulonimbus glissent les uns après les autres au dessus de toi. La lumière les transperce. Ils dessinent un visage qui à peine aperçu disparaît déjà.
Ton chagrin s’éloigne enfin. Tu sais que la tristesse sera toujours là, tapie au fond de tes pensées. Mais face à cet avenir incertain, tu sais qu’il faut avancer, ne rien regretter et faire semblant d’oublier. Pour les autres. Pour toi.

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