Laitage

Laitage. Sculpture de Nicklaus Barghen Bergen. Coton et plastique, 1999. Collection Art Museum Berlin.

Cette sculpture de 6 mètres de haut et de 3 mètres de circonférence trône, seule, dans une grande pièce éclairée par la lumière du jour.
Elle présente un entrelacs de cotons et plastiques faisant penser à une nacelle blanche. L’ombre se projette au sol. Les deux matériaux se mêlent tout en se distinguant l’un de l’autre.
De loin, la nacelle figure un ovale, comme un œuf posé non pas sur son sommet, mais sur son flanc.

Le 18 mai 1999.
Chère Veronika,
Ça y est. Je crois que ça y est. Je peux considérer aujourd’hui terminée la réalisation de la sculpture qui me donne tant de fil à retordre depuis des mois – au sens propre comme au sens figuré.
Comme tu sais, elle vient mettre un point final à une série consacrée à l’enfance. N’en dis rien à maman ; je ne souhaite pas qu’elle la voit et, en aucun cas, je ne l’inviterai au vernissage prévu à la rentrée. Ses sarcasmes, ses questions incessantes, ses inquiétudes m’ont suffisamment pourri la vie. Et si je t’écris aujourd’hui, c’est aussi pour te demander de ne rien dire de cette dernière réalisation à qui que ce soit de la famille.
Dans cette sculpture, j’ai projeté, c’est vrai, ce sentiment d’enfermement que me donnait, enfant, la famille. L’œuvre sera présentée seule au musée qui en a fait l’acquisition et c’était une de mes conditions. Quand je pense à l’enfance, je ressens encore quelque chose d’énorme, assez indigeste. Avoir su et compris que ce sentiment venait d’une intolérance au lait et d’une époque où l’on refusait de tenir compte des réactions des bébés n’y change rien. Pour moi, le malaise physique, oublié, rejaillit sans que je puisse le réfréner dans mes représentations mentales. Le docteur Werner m’encourage à continuer la série, mais moi, je me sens au bout. Une fois encore les critiques vont m’esquinter. Heureusement, le directeur du musée prendra en charge un maximum des demandes d’interviews des journalistes.

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Une réponse à Laitage

  1. Thierry dit :

    A la lecture, Cécile, je ne retrouve pas ta chaude voix, pénétrante, qui donnait à ton texte une coloration à nul autre pareille.
    Cependant, néanmoins, j’aime, qu’à travers une « sculpture » si enfantine pour moi, presque joyeuse dans sa confection spontanée des mains de Maxence & Arthus, mes petits-enfants, le douloureux souvenir de ton enfance ait pu trouver son chemin. En toute liberté, ce me semble ; mais non sans souffrance.

    Bien sûr, nous savons que tout cela est un jeu. Gratuit ? ce n’est pas sûr.

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