UN SOUHAIT INATTENDU

Ce début d’année, j’ai rassemblé dans un long collier les souhaits multiples et variés que j’ai reçus. Je me suis dit que, si je les enchaînais les uns aux autres, ils gagneraient en force, donc en réalité.

Et ce qui m’a donné cette drôle d’idée, c’est un souhait ému, soufflé d’une voix rauque par ma grand-mère vieillissante : « Je te souhaite de tirer un nouveau trait d’union ». J’ai souri bêtement à cette déclaration, ponctuée de deux baisers baveux sur mes joues et me suis détournée en pensant que ma pauvre « Mamizelle » – c’est son surnom – commençait à donner des signes de « gatisme » prononcé.

Puis, je me suis trouvée un peu dure. Mamizelle, du haut de ses 93 ans, avait encore toute sa tête, et le moins qu’on puisse dire, c’était qu’elle n’était jamais tête en l’air. Elle avait une mémoire fabuleuse, n’oubliait jamais les anniversaires, envoyait consciencieusement des cartes de vœux à tous les membres de la famille, jeunes et moins jeunes, écrites d’une main aujourd’hui tremblotante, mais néanmoins ses cartes étaient bien lisibles et sans aucune faute. Elle se souvenait des évènements sans omettre le moindre détail, d’ailleurs, si l’on n’était pas sûre de son coup, mieux valait ne pas cracher d’affirmation gratuite en sa présence, qui risquait de vous revenir en boomerang, le jour où vous n’y pensiez plus.

Au fil des ans, on jette généralement les cartes de vœux, mais celles de Mamizelle, je les avais toutes conservées. Son souhait me tourna dans la tête : tirer un nouveau trait d’union. Mais oui ! c’était exactement de cela dont j’avais besoin. Chère Mamizelle ! Avec son affection jamais démentie, elle avait mis le doigt sur le bât qui blesse, l’épine douloureuse, là où ça fait mal quand on s’y attarde trop. Je revis en pensée l’année qui venait de s’écouler : une année difficile, des sentiments bafoués, l’infidélité d’un mari qui s’éloigne, des enfants qui grandissent et qui ne sont plus disponibles, la solitude… les doutes qui s’installent, l’incertitude qui grandit. Où vais-je ? J’étais comme à une croisée de chemins. Mais il n’était pas si simple de savoir quelle voie était la meilleure.

Parmi la chaine de souhaits échangés au moment du nouvel An, je m’aperçus que le souhait de Mamizelle sonnait le plus sincère qui soit, même s’il provoquait en moi des questionnements profonds. Bouleversée, je l’avais été toute l’année dernière, je pouvais cette année me permettre de tirer un nouveau trait, qui tournerait une page, d’où naitraient de nouvelles espérances, des maillons de vie à construire.

 

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2 réponses à UN SOUHAIT INATTENDU

  1. Kla-Rice dit :

    Merci de m’avoir fait connaître ce long collier de souhaits, plein d’espoir…

  2. murielD dit :

    C’est tendre,poétique,touchant.

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