Une héroïne solitaire

Elle a toujours commencé ses journées quand les autres finissent la leur. Elle attend la tombée de la nuit pour sortir. C’est aux derniers rayons de soleil qu’elle se lève. Comme un sixième sens, elle devine l’heure où le calme envahit la campagne, où chacun rentre chez soi. Les vaches aux pis dégonflés se reposent enfin de leur longue journée à ruminer.

Pour elle, c’est toujours le silence, de jour comme de nuit. Le changement de lumière l’éveille. Pas un bruit autour d’elle mais des odeurs exhalées par la lumière et la chaleur du soleil, mêlant parfums des fleurs et senteurs animales. Après avoir bu un bol de lait frais encore tiède, elle se prépare à sortir dans la nuit. Elle s’habille chaudement et protège surtout ses pieds en prévision de l’humidité qui finira par remonter des sols détrempés. Puis elle sort.

Dehors, elle est seule. Elle avance sur des chemins dégagés d’abord, puis plus rétrécis. Quelques chauves-souris endiablées frôlent ses cheveux. Elle n’en n’a plus peur. Elle s’en est faite ses amies de la nuit, brisant la solitude que sa surdité ne fait qu’accentuer. Ce qu’elle aime par dessus tout, c’est s’asseoir dans une clairière qu’elle a découverte au cours de ses aventures nocturnes, ne plus bouger, attendre.

Ses yeux habitués à l’obscurité repèrent immédiatement l’éclat des vers luisants qui forment un parterre d’étoiles autour d’elle. Peu à peu la clairière s’égaye. Les taupes s’approchent les premières, hésitantes et pataudes. Puis, c’est la forêt entière qui prend vie.

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