Dieu a le mal de mer la nuit

Le jour, tout va bien. Il fixe horizon, loin, très loin. Il est bavard, s’étonne de tout, commente la particularité de la plus petite vaguelette, signale un oiseau, observe son vol. Il guette les poissons volants, fixe le soleil à s’en aveugler. Sur son bateau, on le surnomme Dieu, diminutif de son patronyme, Valadieu. Jean de son prénom, amateur de voile le depuis son plus jeune âge. Citadin la semaine, Dieu sur les flots du vendredi 20h au lundi 6h. Les copains sont les bienvenus à bord, surtout ceux qui peuvent tenir leur quart, apprécient le Bourgueil et la lecture de poèmes. « La poésie va bien à la mer, la mer aime les vers. Trinquons, mes amis, à ce beau cadeau de la vie ». Dès la fin du jour, Dieu a besoin de vin pour accepter que le bleu devienne noir, que le chaud vire au froid, que la lumière rejoigne les ténèbres. Il se fait petit. Ecrasé par la grande ombre et cette eau sans fond qui les porte – mais les porte t-elle vraiment ? Dieu se tait. Il tient la barre, tête baissée. Il attend l’heure pâle, celle où s’éclipsent les étoiles. Et dans cette brume d’opale, vide, il reprend son souffle. Le mal de mer de la nuit est passé. Dieu se réjouit et prépare le café. Il chantonne. Aujourd’hui est un dimanche gris. Un dimanche qui vient à point après la nuit.

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