L’incomprise

« Mais c’est tellement convivial, ces petites soirées privées où l’on refait le monde, entre deus huîtres et trois coupes de mauvais Champagne !… ».

Oui, c’est le genre de phrase que j’entends au quotidien. Je travaille dans l’événementiel voyez-vous. Je déroule des tapis rouges jusque sur les escaliers de Montmartre, je déniche de sombres caves paumées pour les illuminer de ma baguette de fée, je vous fais d’une vague buffet de bistrot un banquet qui ferait rougir le grand Vatel… Je visite et revisite l’infinie labyrinthe parisien pour le parer, le dorer, le rockifier, le mustifier, le rendre sublime, sexy, lui faire faire la moue, lui faire l’amour à la caméra !…

Bref, je suis une prêtresse de la soirée hype. Mais je ne trouve pas mon public.

Car aujourd’hui les clients de mes clients n’ont pas de classe. Ils ont la légèreté d’une grosse caisse et la spiritualité d’un vieux crabe, ou d’une coccinelle, pour les plus jeunes.
Ils n’aiment plus le music-hall, ils font tous du développement personnel – « c’est super infanÒtilisant au départ mais ça fait un bien fou ! » – ils se noient dans des liqueurs exquises mais n’en savent rien, ne connaissent rien. Pensent que « je pense donc je suis » est une phrase de Steve Jobs et que le temps des cerises est un tube d’Alizée…

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