Miaou, Miaou

– Miiiiiiaou, Miiiiiiiaou… Miaou, Miaou, Miaou.

Quand il était content, il miaulait. C’était quelque chose qu’elle avait beaucoup de mal à concevoir. A dire vrai, ça lui donnait envie de le frapper, pour ôter ce sourire béat de son visage encore poupon, pour le faire cesser, cesser, cesser d’être content, cesser de miauler avec son grand sourire de grand enfant qui n’en est plus, mais qui ne le sait pas.

 

Quand il était plus petit, bien plus petit, quand il n’était qu’un enfant, et non pas un jeune adulte béat qui aimait toujours autant aller faire du toboggan, il lui était arrivé de trouver ça mignon. De s’attendrir. De lui sourire et de caresser tendrement, du bout du doigt, le coin de sa fossette réjouie. De lui dire « Allez mon chéri, cesse ces bêtises et raconte moi plutôt comment était l’école ».

Il lui était aussi arrivé de hurler, de hurler « Pourquoi, pourquoi tu fais ça? », d’agripper ses petites épaules, de les secouer, de pleurer en même temps, de partir et de claquer la porte. Fort. Comme si c’était définitif. Comme si elle était libre de partir. Comme si elle ne savait pas que, quelques secondes plus tard, elle l’entendrai pleurer, renifler, appeler derrière cette même porte qui quelques seconde auparavant lui avait donné l’impression de pouvoir s’échapper. Comme si elle n’allait pas ouvrir à la minute d’après, et le prendre dans ses bras, et s’excuser, pleurant elle aussi, reniflant elle-aussi, effrayée elle-aussi.

 

Ces jours là c’était plutôt les mercredis. Les longs mercredis où l’école n’était pas là pour accueillir son enfant à fossettes, où personne ne prenait le relai, où il n’y avait qu’elle et lui.

 

Elle n’arrivait pas à savoir ce qui faisait d’elle une si mauvaise mère. Elle essayait, elle essayait très fort. Cela aurait peut-être pu être facile, d’aimer cet enfant joyeux qui miaulait parfois, juste pour exprimer sa joie. Cet enfant si vivant que tout devenait un jeu pour lui, un cache-cache ou un chat. Cet enfant rigolo qui répétait tout ce qu’il entendait sans être bien sûr de le comprendre.

A la vérité ça l’avait été. Un temps. Quand il était petit et rondouillard et avec les joues rouges, et que le fait qu’il se mette de la glace partout sur le visage quand elle l’emmenait gouter au parc était encore mignon. A cette époque, elle avait ri.

Depuis il avait grandi. Elle avait cessé de l’emmener au parc. Elle avait cessé de l’emmener partout ailleurs aussi. Ou quand elle le faisait, elle était nerveuse, elle regardait à gauche, elle regardait à droite, elle regardait partout et priait pour ne pas être vue. Pour qu’aucun regard ne s’arrête sur la mère dépassée et le grand dadais qui miaulait en rigolant, tout recouvert de glace à la framboise.

 

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