Des graines et des vers

Paul et Pablo, de toute évidence, ne s’étaient pas rencontrés par hasard. A cette époque, Pablo plantait des graines, beaucoup, car beaucoup ne germaient pas. Paul lui, écrivait des vers, beaucoup, car beaucoup ne rimaient pas.
Un après-midi d’été pluvieux, ils s’étaient retrouvés au même moment, à la boulangerie au coin de la rue. Malheur de malheur, elle était fermée car on était mercredi.
–    J’en connais une autre, dit Paul.
–    Ah bon ? répondit Pablo
–    Oui, il y en a une à vingt mètres. Allons-y !
La boulangerie était pleine de monde, forcément puisque l’autre était fermée. En faisant la queue Paul et Pablo parlèrent apprirent à mieux se connaître. Pablo était découragé car ses graines ne germaient pas, Paul triste car ses vers ne rimaient pas.
–    Je ne comprends pas, j’y mets tout mon cœur, toute mon imagination, je lis tout le temps pour mettre du carburant dans la machine, mais ça ne vient pas.
–    Moi non plus, je ne comprends pas, dit Pablo. Mes graines, je les plante quand la lune est montante, je les arrose juste ce qu’il faut, je les mets au soleil le matin quand il n’est pas trop chaud.
Paul et Pablo avaient acheté leurs pâtisseries et allaient repartir chacun de leur côté. Ils passèrent en sortant de la boulangerie devant le vieux René, toujours assis là, comme un fantôme auquel plus personne ne faisait attention.
–    C’est parce que vous les regardez trop.
–    Comment ?, dirent Paul et Pablo en cœur.
–    Les graines, il faut pas les regarder pousser, sinon, elles poussent pas. Les vers, il faut les écrire sans y penser, sinon, ils riment pas. Vous plantez, vous écrivez, et après vous faites autre chose. Quand vous y reviendrez, la plante sera là, la rime sera là.
Paul et Pablo le regardèrent les yeux ronds. Mais, pourquoi pas ? Trois mois plus tard, ils se retrouvèrent devant la boulangerie avec le vieux René.

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