A l’ombre de l’automne – page 96

L’été indien revient encore une fois. Le temps passe et se répète inlassablement. L’horloge tourne encore mais nous ne sommes toujours pas passés au lendemain.
J’en ai marre de revivre encore le même chapitre de ma vie. Est-ce qu’aujourd’hui je vais enfin réussir à échapper à ce cycle infernal. Les pages de ma vie se tournent et, curieusement, elles reviennent toujours et encore aux mêmes lignes : « Ce matin, comme d’habitude, je me suis levée à 7 heures du mat’ après avoir tapé un nombre incalculable de fois sur mon réveil (en fait, maintenant que je revis ce moment, je sais très bien que je tape trois fois dessus avant d’enfin avoir le courage de me lever), j’ai marché pieds nus sur le sol froid jusqu’à la salle de bain pour prendre une douche froide (il me viendra peut-être à l’idée de mettre de l’eau chaude ce matin !), j’ai pris mon p’tit déj’ (qu’il me paraît fade, je rêve d’un petit déjeuner continental comme ils disent dans les hôtels).
Je ne sens plus mes forces, j’ai envie de tourner la page, ma main n’arrive pas à soulever ces 20 grammes de papier imprimé.
Pourtant, ma vie doit continuer, j’ai bien une histoire à vivre, non ? Je ne peux pas lire la fin de mon histoire parce que ce serait prendre de l’avance sur mon destin et peut-être être tentée de le changer.
Aujourd’hui, ce que je voudrais absolument changer, c’est ce chapitre que je revis. Passer à la page d’après.
Comment faire pour qu’il fasse partie du passé ? Je ne vous raconterai pas dans ce chapitre mes joies et mes douleurs, vous les avez déjà entendues.
Ah, c’est peut-être ça la clé : ne plus en parler, ne plus y penser et le chapitre va enfin pouvoir se dérouler, la page blanche se noircir de mots, de phrases, d’une histoire.
L’automne arrive enfin. Mon anniversaire approche. Je vais prendre un an dans la vue, dans les jambes, dans mon corps et forcément sur mon visage. Je vais avoir 40 ans. Je vais faire partie du groupe des quarantenaires. Il paraît que c’est l’âge où on se sent le mieux. Je verrai bien. Enfin, si j’arrive à tourner la page, je verrai bien.
Le réveil sonne. Je me lève d’un bond. Le sol n’est pas froid jusqu’à la salle de bain. L’eau de la douche est chaude et le réveille doucement, en toute délicatesse. Les oiseaux chantent sur l’arbre d’en face. Ils auraient dû migrer déjà il me semble, non ?

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à A l’ombre de l’automne – page 96

  1. Ingrid dit :

    Merci pour ce texte Marija, donc la lecture m’émeut autant que lorsque je l’ai découvert pendant l’atelier.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.