Le tunnel

On construit une galerie pour relier l’Europe aux États-Unis. Un tunnel de 6 000 kms sous l’océan atlantique. L’expérience a déjà été menée pour rejoindre le Vieux Continent et l’île qui veut toujours marquer sa différence, son autonomie, son indépendance. Comme ce tunnel est sous la Manche, l’illusion de ne pas être reliée reste ancrée dans les esprits.

Les travaux ont commencé, au départ d’Ellis Island d’un côté, au départ des plages normandes de l’autre. Tout un symbole pour les deux continents. Les vrilles s’enfoncent doucement sous le sable, lentement pour ne pas provoquer un éboulement. Elles sont jolies ces vrilles, on dirait d’énormes coquillages. Comme les enfants, les ouvriers collent les vrilles à l’oreille. Entendent-ils quelque chose ? Le vent, les marées ou même ceux de l’autre côté ?

Ils avancent doucement mais sûrement. Chaque centimètre, chaque mètre, chaque kilomètre de plus promettent la découverte d’un trésor. Les taupes font bien ça dans leur taupinière, elles cachent leur trésor dans les recoins de leurs galeries. Sauf que la taupe est aveugle, elle, les ouvriers ne le sont pas et espèrent ne pas le devenir en restant sous l’océan tout ce temps.

Comme lors des travaux du métro à Rome, ils tombent sur des choses invraisemblables : des épaves de bateau, des épaves d’avion, des épaves laissées par les hommes. Dans les moments d’extrême fatigue, les ouvriers y voient les morts danser, faire la fête. Un autre monde existe au fond de l’océan et ils sont en train de le perturber. Ou alors peut-être que ces morts d’un ancien temps sont contents d’avoir été retrouvés après tant d’années.

Ils creusent, consolident, creusent encore, consolident encore. Combien de temps encore avant de se retrouver au milieu de l’océan ? De ces mouvements circulaires, l’espoir de réunir des terres, des peuples ne cesse de les hanter. La paix. Enfin.

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