Lisbonne, mon amour

Au bout de la ligne 28 du tramway, il y avait le cimetière de Prazeres. Baba Yaga prenait ce tramway tous les dimanches. Elle connaissait par cœur le chemin, se cramponnait solidement avant les virages. Malgré son grand âge, elle avait repéré les pickpockets de la ligne. Elle les menaçait du regard. Ils la prenaient pour une sorcière, une gitane qui pouvait jeter des sorts alors ils n’osaient pas l’approcher et encore moins lui voler son sac. Elle se moquait de ce que ces petits voyous pensaient d’elle du moment qu’il la laissait tranquille, en paix.
Ce n’était ni une sorcière, ni une vieille gitane, juste une veuve qui se rendait sur la tombe de son défunt mari. Elle aimait Lisbonne, sa température clémente, elle qui était née et avait grandi dans les steppes de Sibérie.
Elle avait rencontré son mari en France. Il montait des murs, fixait des fenêtres, recouvrait les toits. Il construisait des maisons magnifiques. Il faisait venir les azulejos de son pays. Il aimait le travail bien fait. Tellement, qu’il s’en est tué à la tâche.
Elle l’avait fait enterrer chez lui, à Lisbonne. Elle s’était installée là-bas pour être près de lui, toujours. Elle avait appris à vivre dans cette ville vallonnée, à marcher prudemment sur ses trottoirs carrelés, très beaux mais extrêmement glissants. Elle faisait tout à pied sauf ce trajet hebdomadaire au cimetière, avec le 28.
Elle aimait voir Lisbonne par la fenêtre. Elle passait devant la basilique d’Estrella, face au jardin. Au retour, elle s’y arrêtera pour donner des miettes de pain aux pigeons. Encore quelques arrêts, elle allumerait un cierge pour son Manuel.

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