Moiteur

Tous les lundis, elle était réveillée par cette sonnerie de réveil presque criminelle, comme un ballon qui éclaterait au creux de son oreille. Ce ballon là n’était pas rempli de paillettes ou de bonbons mais du vide absolu de la routine. Celle qui pousse au crime d’en vouloir au temps qui passe et au boulot qui reste. Nakache se tourne dans son lit, tentant vainement de revenir dans ses songes, les limbes parfois si lumineuses. Mais c’est sans compter sur le soleil, ce vain ennemi qui tape sans relâche dès l’aube sur la paroi en bois de la maisonnette. Nakache aurait préféré la chaleur sèche du désert de l’Arizona, plutôt que la moiteur lancinante de la Louisianne.
Le soleil cogne, le ventilo vit ses derniers soubresauts. Nakache se demande comment payer la future réparation. Ailleurs, une TV à écran plat est un bien de première nécessité mais ici c’est le ventilo, il châsse aussi les moustiques.
Nakache finit par se lever, enfiler un jean et un tee-shirt et enfourcher son pick up.
Elle était venue ici il y a déjà 15 ans avec un jeune blanc bec qu’elle croyait aimer. Il lui promit le bonheur, tu penses! Il l’avait sortie de sa réserve pas l’intime réservé, mais celle de ces ancêtres et de son boulot de gardienne de musée.
Ils avaient sillonné les grandes routes un temps puis s’étaient installés là en Louisianne, la terre de ses ancêtres à lui.
Elle pensait qu’elle prendrait le gros bateau à hélice pour traverser le fleuve et habiterait une ancienne maison coloniale blanche mais au premier revers de fortune, il s’était tiré. Elle ne pouvait plus rentrer au pays alors elle restait ici dans sa cabane, près du fleuve avec ses marais à perte de vue et cette étrange lumière. Le silence aussi. Y avait assez de bruit en ville.
Le soir seulement, il faisait un peu frais. Nakache s’assaillait sous le porche et regardait l’horizon. Finalement, sa bulle n’était pas si moche, elle avait vu pire après l’ouragan, elle avait gardé un toit sur la tête et son boulot à la quincaillerie.
Et le soleil dans un rouge jauni qui se couchait au loin, elle le trouvait si beau. Elle le détestait le matin mais l’adorait le soir.

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