La vie de Garry

Garry réfléchissait à l’excentricité de ce qu’il observait ; un planisphère sur microfiche, quelle drôle d’idée ! Dehors, il faisait un froid de canard. Et en rêvassant à ses fiches, Garry rencontra un nid. Un nid de poule, ou plutôt de poulettes, dodues et rousses. Il reposa le planisphère et reprit le volant. La voiture roulait en automatique.

Un coup d’œil dans le rétroviseur confirma ce qu’il pensait. Son passage avait couté des plumes aux poulettes dodues. Elles virevoltaient dans les airs. Ça n’empêcha pas les roussettes de se relever. Un craquètement suffit à convoquer les canards ; alliés de ses gallinacés bioniques et responsable de ce froid qui me glaçait les sangs.

Je reprends les commandes, dérape dans la boue pour repeindre ces emplumés de malheur et les alourdir. Ces automates organiques programmées pour être ronchonchon (ce qui raffermit leurs cuisses) ne peuvent pousser les bouchons du Maurice à outrance et finirent sous l’excès de rage, par déclencher leur système d’autodestruction explosant ainsi en plein vol.

Pilote automatique réenclenché et retour au planisphère.

 

Arrivé sur place ; ils m’attendent comme on attend l’arrivée d’un train. Je sors quand la voiture ralentit et la laisse aller se garer. Je ne peux m’empêcher de sourire en voyant sur les pneus qui s’éloignent déjà, les restes de jus de gallinacés.

Ils sont là tous les trois. Mais que foutent-ils au milieu d’un rond-point! Et pourquoi Tom arrose-t-il la tulipe dans laquelle il est assis ? On n’a jamais eu la main verte dans la famille, mon fils serait une exception ? Sa sœur regarde ses pieds comme… comme pour me dire du haut de ses 11 ans, que je ne lui arrive pas à la cheville, moi le vas-nus-pieds à la dégaine de monsieur propre revenant d’Auschwitz. Peut être qu’elle a juste peur, mais si elle voulait bien lever les yeux, elle verrait que je souris.

Enfin que je souriais jusqu’à croiser le regard frigidaire ou congélo de leur mère. Cette pupille haineuse me glace les sangs, me ressert les sphincters, me canarde l’esprit comme un déluge d’azote liquide qui gerce mes pensées, mes sens, le monde.

Une pensée m’éclate en tête, comme une bulle qui aurait suivi le frisson me parcourant l’échine pour exploser dans mon encéphale ; le sauront-ils un jour, mes minots, que les yeux de leur mère m’avaient chauffé l’âme et les os dans une autre vie ?

Un vacarme assourdissant me ramène sur Terre ; aie… la voiture s’est garée dans un poteau…

 

Jeune écriveur de pensées, transmutateur de rêves, jongleur funambulaire de mots (mais plus souvent mordeur de poussière avouons le...). Tout nouveau sous les toits, j'aimerai m'y nicher quelques temps.

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