Max

Malgré sa situation objectivement dramatique, son appartement ouvert en deux d’un coup d’obusier de 150 marine, Max, ce soir-là, ne parvenait pas à éloigner de lui le petit garçon qu’il avait été une trentaine d’années plus tôt.. Pourquoi cette image le poursuivait-elle, au point de couvrir complètement, presque, cette fin de bombardement.

Il se voyait avec netteté au pieds de l’étagère qui courait autour de la cuisine familiale. Il ressentait pleinement l’émotion d’alors à l’idée que sa consommation des confitures rangées là-haut allait provoquer non seulement le jugement sévère de sa mère ; mais aussi la punition si redoutée & souvent donnée de la pince à linge sur son oreille gauche qu’il faudrait porter tout le lendemain. Honte & ridicule.

Mais cette nuit-là se surajoutait à la surface de ses pensées, le bruit dru sur les feuilles de palétuviers qui corrompaient tout alentour : terre, racines, boiseries du salon & même le papier qui tapissait les murs de sa chambre se ponctuait de bulles d’humidité.

Tout était excès : la nuit tropicale sous l’orage quotidien & cette nuit sous les bombardements. Sa vie lui semblait s’écrire en majuscules.

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