Preuve tangible d’existences

Le reste est écrit quelque part sur des registres. Les dates de naissance, les dates de mariage, les dates de décès. Tout est enregistré, inscrit, visé, tamponné dans ces registres. Lui qui avait toujours pensé qu’il était plus libre que les autres, venait de prendre conscience qu’il participait à son enfermement.
Toute la journée, sur son ordinateur, il entrait des actes d’état civil. Et aujourd’hui, il réalise que les histoires de tous sont écrites, que personne n’a vraiment d’emprise sur son destin, que le chemin est déjà tracé.
Il est venu aux archives déposé un énième registre rempli de ses mains et découvre des étagères qui montent, montent. Il lève les yeux au ciel, n’en voit pas la fin.
Il décide de consulter son propre état civil, comme s’il avait oublié son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance, les nom et prénoms de ses parents, leur profession à sa naissance. Il est rassuré quand il se retrouve dans le registre de son année de naissance. Il sourit quand il relit ses prénoms, il est ému quand il lit le nom de ses parents. En marge de son acte de naissance, il voit la preuve de sa nationalité, de son mariage raté. Il y a encore de la place dans la marge. Suffisamment de lignes pour déclarer autre chose que son décès.
Il referme le registre et sort. Il croise sa collègue. Elle parle d’une voix entrecoupée comme si elle avait grimpé un escalier interminable et qu’elle avait dû s’arrêter souvent pour reprendre son souffle.
Ils se sourient.

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