Mon jardin (réécriture)

Je me regardai dans le miroir de l’entrée. « Avais-je tant vieilli ? »

Je frissonnai dans cette grande maison vide. J’enfilai rapidement ma veste en pilou, descendis les marches en bois de l’escalier menant à la cave, en tapant des talons. Je sortis par la porte qui conduisait au jardin. J’aspirai deux ou trois bouffées d’air frais bienfaisantes et resserrai le col de mon vêtement.

La rosée du matin recouvrait les primevères violines et jaune d’or encore un peu recroquevillées à cause de la nuit froide. Les tulipes perroquet ouvraient timidement leurs ailes d’un beau rouge vermillon panaché de blanc. Le chant espacé d’un rouge-gorge ponctuait le silence avec délicatesse. La pelouse vert anis semblait protégée par une fine pellicule transparente. Aux bouts des bourgeons du cerisier à la floraison tardive, gouttaient des perles d’eau transparentes comme du cristal. La vision de cette scène pittoresque détourna mon esprit de sa préoccupation.

Je me dirigeai lentement vers le bosquet de lilas aux doubles fleurs mauves. Je humai l’odeur forte et parfumée qu’elles exhalaient. Le vent devenait tiède et enveloppant et perdait de sa vigueur.Je m’assis sur le vieux banc, là, sous l’arbre, depuis plusieurs générations. Je commençai à me détendre. Je me remémorai toutes les histoires et les confidences que je lui avais faites quand j’étais enfant et aussi toutes les misères que je lui avais infligées, en sautant sans vergogne sur ses planches déjà bien fatiguées. Mais il avait tenu bon.Il connaissait la souffrance et était devenu fort, très fort comme la vie.

Ma respiration devenait plus calme. Je me redressai et embrassai du regard toute la végétation. On aurait dit un tableau impressionniste aux touches délicates où des dégradés de verts étaient mélés deci-delà à des camaïeux de rouge, de jaune et de violet.

Quoi de plus apaisant que cette immersion dans mon jardin printanier pour calmer cette violente colère que mon mari avait fait surgir en moi lorsqu’il était parti au travail en déposant un vague baiser sur mes lèvres, sans me voir une fois de plus.

 

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