Celle qui ne voulait plus jouer

Un soulèvement stomacal à chaque pas. Garder le sourire, garder le sourire encore, toujours et ne pas y penser. Ou du moins, faire semblant. Jouer le jeu, le jeu du « je », le jeu du « je » qui ne joue pas. Bouder ces règles absurdes et s’efforcer de faire le strict minimum. Pousser l’impolitesse jusqu’à l’automatisme qui me donne l’air de faire mine de presque jouer. Ne pas regarder, surtout pas, jamais ! Ils me brulent de l’intérieur, tous d’un feu différent et me mettent en cloque d’émotions dévastatrices, démoniaques et indésirées…

 

Regarde le lointain, ça rend tout flou, et ce monde recouvre un plan abstrait. Ça donne une toile quelconque devant laquelle tu passes et repasses et rerepasse dans l’éternité d’un toujours qui te permet de l’éloigner, de te tenir à bonne distance de ce jeu de société.

Souris, souris idiotes ! D’un sourire complet, comblé, trop offert, trop dentelé pour que ça leur semble vrai. Va jusqu’au bout ne t’arrête pas à mi-sentier. Il n’y a que les fous que l’on n’ose déranger.

Parce que, si tenté qu’ils aient une tête, Dieu — ou peu importe qui — sait ce qu’elle peut cacher.

Souris autant que tu sautilles. Feins d’être bienheureuse. Balance ces bras comme un pantin désarticulé guidé par un Loki loco à qui tu montrerais comment tendre tes fils chaque matin bien au-delà de la rue des peupliers. Il est gentil Loki, en contrepartie d’un corps dont il peut disposer, il te laisse te reposer dans le monde des idées.

Et tu as beau hurler chaque soir, pour les yeux sévères de l’autre — qui te juge bien planquée de son côté du miroir — qu’il est bien dans ta tête, ce monde enchanté, qu’il n’existe pas en vrai : ni lui ni ce dieu qui s’amuserait à te guider et qu’à nier le monde tu mérites d’être moquée. Tu ne peux pas et ne veux pas y croire. Ses traits assassins ont beau te le faire dire jusqu’à souvent le crier, ça ne veut pas dire que c’est vrai. C’est pourtant loin d’être faux, mais qui peut raisonner sous l’effet de la peur et céder sans broncher à son reflet qui fait rouler l’horreur sur tes joues creusées. Chaque soir, tu deviens son jouet, s’y plier pour ne pas l’affronter, pour ne pas lui ressembler et te retrouver muette, murée dans un reflet.

Et pourtant tu y es presque, murée dans tes pensées à voir la vie se peindre sur cette toile que tu ne veux pas regarder. Tu n’es qu’un reflet vivant, un reflet en 3D, le pixel d’un écran qui resterait figé…

Mais non je ne t’engueule pas ! Je ne te crie pas non plus.

Un toi enfermé sous ton toit crânien. Un toi qui les vois tes merveilles, je me souviens encore du big bang de ton univers imaginaire. Pourtant depuis quelque temps j’y lâche la mise au point, et floute l’artistique des merveilles quotidiennes de ton monde synaptique. Et je guète affamée les nouvelles du vrai monde qui pourrait s’immiscer.

 

Jeune écriveur de pensées, transmutateur de rêves, jongleur funambulaire de mots (mais plus souvent mordeur de poussière avouons le...). Tout nouveau sous les toits, j'aimerai m'y nicher quelques temps.

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