C’est pécher ?

Elle se baladait en chantant « la la la ». La belle odalisque sautillait gaiement et, de ses yeux pétillants de vierge effarouchée, s’émerveillait à chaque fois qu’un lapin blanc surgissait de son terrier, qu’un bel emplumé sifflotait en chœur, que l’herbe et les fougères lui chatouillaient les mollets, que le vent soulevait sa jupe fendue.
Elle avait profité d’un moment d’inattention, d’une porte entrouverte pour sortir de son logis. Rien de risible, rien de nuisible dans cela. Son intention était sincère et pure. Alors, autant se dire « Go, girl, go ! » comme elle l’entendait souvent clamer pour d’autres jeunes femmes qu’elle. Peut-être plus belles qu’elle, peut-être plus intelligentes qu’elle, en tout cas, plus farouches qu’elle.
Qui avait ouvert la porte ? Qui avait laissé entrer la lumière ? Peut-être juste le vent, peut-être juste le temps. Rien de bien méchant, n’est-ce pas ? Ses yeux brillaient de voir toutes ces couleurs autour, ses cheveux tournoyaient dans la brise, ses bras moulinaient pour toucher une feuille, une branche, une fleur. Ouf, pas d’orties ni d’épines malignes qui auraient pu gâcher son plaisir.
Elle restait bouche bée de tant de sensations. Elle faisait son petit voyage intérieur, son voyage initiatique. Pas besoin de courir après le ferry-boat pour traverser les sept mers et découvrir le monde. Ici et maintenant, elle apprenait, sentait, ressentait la vie et laissait jaillir sa lumière.
Elle s’asseya sur une souche puis ferma les yeux pour s’imprégner de cet endroit qu’il lui avait été tant de fois interdit. Elle entendit des pas, des pas lourds et feutrés, des feuilles être déplacées, des branches se casser, des animaux se terrer, des oiseaux s’envoler. Puis, « Rrâh ! »
Elle sursauta, se retourna. Les yeux écarquillés, face à elle, un ours.

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