La sentinelle

J’y vais ou j’y vais pas ? La sentinelle est là, immobile, le regard vide, l’arme à l’épaule. Je tente un sourire, une approche. Impassible. La sangle de son haut de forme lui coupe les joues et le menton. Les poils hirsutes de son chapeau ridicule lui cachent la vue.
Il garde une porte, peut-être pas. Je ne sais pas, je ne vois pas, il est juste devant. Pourquoi est-il là ? Depuis quand ? Il est concentré, il ne doit pas bouger, ne pas avoir d’expressions, il est figé.
J’y vais ou j’y vais pas ? Qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté ? Qu’est-ce qu’il y a derrière lui ? Une maison faite de sucreries et de pain d’épices ? Peut-être pas.
Je l’observe du coin de l’œil, j’essaie d’apercevoir quelque chose. Un mouvement. Une émotion. Rien. Les questions fusent dans ma tête, j’ai le cerveau en ébullition*. Je vais m’asseoir sur un banc. J’ai cru voir une étincelle dans sa rétine, l’écho de son cœur battre pour de vrai. Ma glace à la passion commence à fondre et coule un peu sur mes doigts. Je le regarde, je lui souris. Il ne peut plus m’ignorer.
Que protège-t-il ainsi ? Il faudra passer cette muraille pour enfin le savoir. Ses bras larges tremblent une seconde. J’aperçois un tourbillon hypnotique qui me dit d’approcher. J’approche. Je le frôle pour passer. Il se raidit et dit : « Ne faites pas ça, faites comme moi, tournez le dos et ne regardez pas ! ». Je lui souris, je lui prends la main. Il baisse son arme, il me sourit, il sert ma main. Il dit : « Je ne sais pas si on en revient vivant ». Je lui dis : « Regarde, c’est beau ». Il tourne la tête vers moi puis vers le tourbillon. On y va, à deux.

Ce contenu a été publié dans Atelier au Long cours. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire