Le vieux sage

J’ai cent ans. Je suis grand et fort. Plus je vieillis, plus je suis beau, vigoureux et impressionnant. Mes bras s’étendent loin dans le ciel. Le soleil joue à se cacher dans ma chevelure dense. J’en profite pour prendre de la chaleur, de la lumière pour être encore plus vert, encore plus fier. Je suis vieux et j’inspire le respect.
Grande est ma joie quand les enfants s’accrochent à moi et se hissent pour être plus grands que leurs parents. Douce est ma peau pour les amoureux qui se collent à moi et y gravent leurs noms. Je serai toujours là, leurs noms aussi, quand ils seront partis d’ici, quand ils ne seront peut-être même plus amoureux, quand leur vie sera finie.
Moi, je serai là, toujours fier et droit, à voir défiler ses vies autour de moi. J’entendrai leurs confessions intimes. J’inspire confiance, j’inspire la sagesse parce qu’on sait que j’écoute et que je ne parle pas.
J’aurais bien aimé parler, crier mes joies et pleurer mes tristesses, raconter ma vie, mes voyages, mes rencontres. J’ai beau être grand et fort, je reste planté là comme un con. Je suis un vieux con et je suis le seul à le savoir.
Je lui ai dit à elle une fois, je crois qu’elle m’a entendu. J’en suis sûr même parce qu’elle continue à venir me voir. Elle ne me parle pas, elle tend l’oreille, me caresse le tronc et les bras, elle entend mon cœur qui bat et s’appuie sur moi pour mieux m’entendre.
J’essaie de lui dire de ne pas partir loin de moi, de ne pas me laisser là tout seul comme un con. Dans ses yeux, je vois qu’elle reviendra, juste pour moi. Même vieux. Même con.

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