Face à elle-même

S’envoler, s’évader, ses pas la conduisent vers la fenêtre où le temps semble s’être arrêté. Les notes de musique se plaignent de rebondir sur les carreaux, impuissantes à forcer le verre. Comme devant un miroir, elle voit ses deux vies se dérouler en parallèle, lisse et sereine d’un côté, sombre et passionnée de l’autre. Ses yeux perçoivent le dilemme qui l’habite, mais lui permettent de se reposer en admirant les bouquets de fleurs que lui offre son ami, avant de s’évader dans les volutes d’une cigarette qui l’attire dans sa part d’ombre. Ballotée de gauche à droite, du noir au blanc, mais jamais dans la grisaille. Elle se sent ivre et décide de sortir pour se dégourdir les jambes et rafraîchir ses tempes. Devant elle, les escaliers de Montmartre l’invitent à venir les tutoyer. Tâche de couleur sur le ciment gris, les marches se révèlent ardues à grimper, bien plus qu’une ballade à vélo. De nouveau le chaos. Quel choix faire ? Depuis toujours, elle se bat avec son passé qui lui colle à la peau. Elle se revoit, misérable, dans une brocante, en train d’essayer de vendre des souvenirs de famille pour quelques pièces. En repensant à ses objets, elle se renferme, telle une huître qui n’en peut plus de perdre ses perles. La nacre lui cisaille ses émotions, lui tranche ses sanglots. Elle voudrait faire le vide, vider la poubelle de sa mémoire. Elle voudrait être entière et sereine. Le calme, que le vent s’apaise, que l’eau repose dans la cruche sans jamais plus être brassée. Elle veille et suit du regard le cours d’eau. Adieu le maquis corse et ses biquettes entêtées, adieu fusil et vengeance, à l’ombre des châtaigniers. Le silence la ramène dans l’appartement, où derrière la fenêtre, défilent les nuages. Aujourd’hui encore, il ne sait rien passé, seules les notes de musique s’éparpillent dans le salon.

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