La taupe du métro

Je m’étais retrouvée assise en face de lui dans le métro et nos yeux se sont croisés furtivement. Chacun cherchant à échapper à la vue l’un de l’autre. Son regard bleu de vache normande ne m’avait pas échappé. Et même s’il s’était soustrait à mon inquisition, j’avais déjà capté l’image de ses pupilles dilatées par la terreur et le danger. Il ne m’échapperait pas. L’issue était inéluctable. Sa respiration en saccade soulevait maintenant son manteau avec fébrilité. Pauvre petit animal pris au piège. Je pouvais percevoir son odeur de taupe, terreuse, au fumet de feuilles d’automne longtemps brassées par le vent et la pluie. Mais il ne s’agissait pas d’une ballade à la campagne. Il me fallait accomplir ma mission ce jour-là comme les autres. Je décidais de l’aborder. Connaissait-il l’Amazonie et ses forêts luxuriantes ? Il hésitait à me répondre. Balançait entre la rage et l’espoir. Songeait-il que peut-être il serait épargné, parce que j’aurais été émue ou simplement irrésolue, devant son innocence aux yeux pâles ? Je ne le laissais pas s’égarer sur ce point et je lui ordonnais de me suivre à la pharmacie.

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