Retour de pêche

Depuis la crête, les falaises dévalaient sur le soleil couchant. C’était l’heure où les pêcheurs ramenaient sur le port les poissons pris dans leur filet. La chaleur remontait de la pierre, les odeurs emplissaient les narines et les chats accouraient des ruelles environnantes. Les femmes, toutes de noir vêtues, attendaient avec leur panier pour faire le tri de la pêche et remonter vers les tavernes pour proposer aux cuisiniers, ce qui deviendrait les plats du jour ou plutôt de la nuit. Les touristes se mêlaient aux crétois pour emprisonner ces instants dans leur appareil photos mais ils ne pourraient pas capturer les odeurs et les sons. C’était les corps qui les absorbaient, qui les garderaient en mémoire, en attendant le prochain départ. La nuit descendait doucement, effaçant l’horizon. De grands sceaux d’eau venaient nettoyer les barques, pendant que chiens et chats maraudaient dans l’espoir de dénicher un poisson ayant échappé à la vigilance des hommes. Juan, le pêcheur, remonta d’un pas lourd, vers sa demeure. Il jeta un regard en arrière pour s’assurer que sa barque était bien calée près du ponton. La peinture s’écaillait, mais cela valait-il la peine de la repeindre, elle qui l’avait amenée en mer depuis plus de 30 ans ? L’heure de la fin approchait. Il se faisait vieux, son bateau n’était plus assez puissant pour le mener au loin, là où il restait encore des bancs de poissons, épargner les bateaux industriels. Il voyait avec tristesse disparaître ses repères. Ses souvenirs occupaient son présent, masquant les bruits, l’agitation, la vitesse. Tout allait trop vite, il lui semblait que plus personne ne respectait la mer et les poissons

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