le temps

 

 

Je me souviens du goût de l’enfance.

De ma mère m’embrassant sous la lumière de la veilleuse pour me souhaiter bonne nuit.

Tant d’années ont passé et pourtant. Je m’en souviens si clairement que cette lumière m’aveugle, un peu, parfois.

Il y avait ces après-midis, ces dimanches et ces mercredis chez ma grand-mère. Le four mettait du temps à chauffer et nous faisions cuire son fameux gâteau au beurre.

Un goût doux, enveloppant, un goût d’enfance, encore, qui ne passe pas.

Lorsque nous partions à la campagne, le clocher égrenait les heures et sonnait les minutes. Le vent dans les feuilles des arbres se joignait à lui et j’entendais le temps passer doucement, simplement. Tendrement aussi.

Je me souviens des « au revoir », des quais de gare où il fallait larguer les amarres et partir, sans se retourner.

Dans le train, les bonbons donnés par ma mère collaient aux dents, laissant un goût de caramel sur ma langue.

Et puis les retours si joyeux, emplis de sourires et de rires, pour se dire : « Tu vois, ça n’a pas été si long », « Tu m’as manqué », « Je t’aime ».

Je me souviens du moment où j’ai grandi. Où j’ai rangé mes souvenirs au grenier, dans cet espace poussiéreux où dorment précieusement mes poupées, mes Légo et mon ours en peluche.

De temps en temps, j’y retourne, pour le plaisir de les retrouver, parce que le désir de les revoir est fort, plus fort qu’aujourd’hui.

Alors je repars en arrière, j’ai 5, 10, 15 ans de nouveau.

Je cours dans le jardin après le temps, je regarde les hirondelles partir vers le sud, j’entends la voix de mon père qui m’appelle pour manger sa salade de poulpe.

Quelquefois, ce retour vers l’enfance est douloureux, il me vrille la tête. J’ai mal dans le cœur, j’ai la tête pleine de gens qui ne sont plus, mes lèvres esquissent des prénoms que je ne dis pas.

Temps perfide, comment arrêter ta course ?

De ces années d’avant, me restent l’odeur des crêpes au Nutella, des baisers sucrés, du riz au lait et des fous rires à la crème chocolat.

Mais la route est là, devant moi, elle m’appelle pour que je la continue.

Je me souviens alors qu’il faut entrer en résistance, avancer vers la vie, dans la vie, avec pour bagages les souvenirs d’avant. Pour se construire des souvenirs devant.

Aussi jolis que la veilleuse de ma chambre d’enfant, que les gâteaux du mercredi, les paysages vus par la fenêtre du train, les libellules à la surface du gazon, les mots d’amour au parfum d’été.

Tu passes, le temps, et je voudrais tellement te dire de rester là, où tu es, immobile et tranquille à la fois.

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