Le chanteur à trous

– Il était un petit homme, qui n’avait plus de maison…

– Et vous comptez faire fortune avec un début d’histoire pareil ? Allez-y, balancez du SDF, du migrant, de la femme battue jetée à la rue !

Pierre, interloqué, regardait son interlocuteur. Il chantait dans le métro depuis qu’il avait brillamment passé les auditions de la RATP. Son répertoire était varié ; de Bobby Lapointe à Barbara, de Brel aux Rolling Sones, sans oublier des comptines pour les enfants. Oui mais voilà, Pierre avait parfois des trous de mémoire, alors il mélangeait les paroles. Et cela faisait rire.

Ne me frite pas avait fait un carton devant chez Léon. Car Pierre chantait parfois sur les terrasses.

C’étaient les comptines qui lui donnaient le plus de mal. Il avait glissé des antisèches derrière sa guitare. Car Pierre aimait à s’accompagner d’un instrument.

Mais dans son élan, il lui arrivait de délirer complètement.

A la chasse au poulpe,

Je ne veux plus y aller en râlant,

Les murs de la ville sont devenus grisonnants.

Son jeune public le regardait, consterné, devant des parents outrés.

Alors, dans la nuit noire, Pierre s’était réfugié au pied d’un lampadaire blanc. Il s’était enguirlandé et se prenait pour un sapin vivant.

Mais cela ne fit rire personne.

Alors il avait sorti son harmonica, car Pierre jouait aussi de l’harmonica, et il se mit à chanter :

Mon beau lapin,

Roi des furets,

Comme j’aime ta fourrure !

Cette fois, c’est la SPA qui n’a pas aimé.

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

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