Liberté

A l’orée de sa vie, elle regardait droit devant, tournant le dos à son passé. Sous l’allégresse apparente se cachait évidemment un désespoir profond. Parce que, partout où elle était allée, tous les chemins qu’elle avait empruntés dans la ville, près de la ville et hors de la ville l’avaient menée là.
Ici et maintenant, elle écrivait, elle revendiquait sa liberté : « je suis libre flottant au milieu des astres ». Était-elle folle ? Peut-être pas. A l’hôpital de jour où elle se trouvait ce matin, tout portait à croire qu’elle n’était plus vraiment là. Dans sa chambre blanche, elle avait dessiné sur les murs avec ses mains, laissant des indices, des empreintes de sa vie.
Le médecin frappa à la porte. Devant la forteresse de son regard fixe, il baissa les yeux, honteux face à son impuissance. Lire son désespoir et ne pas savoir quoi en faire.
– Vous connaissez la nouvelle station de métro, docteur ?
– Non, je n’en ai pas entendu parler
– C’est une station fantôme, docteur. Ils l’ont appelée « Paris les étoiles ». Elle est entre Charles de Gaulle étoile et Ternes. Vous savez, pour donner un peu d’espoir aux gens ternes et rappeler la libération.
– Ah, d’accord, très bien !
Le médecin lui prêta un peu plus attention. Elle s’était levée pour regarder par la fenêtre.
– L’herbe a fort bien poussé, docteur. Le printemps est arrivé sans prévenir.
– Pourquoi m’avoir parlé de cette station fantôme ?
– Parce que c’est l’endroit où vont toutes les âmes en peine. Toutes ces peines qu’il faut rendre invisibles aux yeux de tous pour pouvoir s’en sortir.
– Vous croyez vraiment à votre récit ?
– Docteur, c’est beau de croire aux étoiles. Ce n’est pas important que ce soit vrai ou pas. L’important c’est d’y croire. Vous ne pensez pas ?
– Oui, vous avez raison.
– Bon, docteur, je vais rentrer. A la semaine prochaine. Ou peut-être pas. Je me sens mieux maintenant.
Elle se leva, le cœur léger, le corps alangui, se dirigea vers la porte et lui sourit.
– Merci

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