Ma place. Ma vie

Quelle est ma place dans ce monde ? Quel est mon rôle dans cette vie ? Aujourd’hui, j’ai monté l’escalier un peu trop vite et pourtant, à l’arrivée, on avait pris ma place mais pas ma vie.
C’est assez facile de prendre la place de quelqu’un : dans le bus, avant de prendre l’escalier, j’ai voulu céder ma place à une dame qui avait une béquille. Elle n’en a pas voulu. A l’arrêt d’après, une vieille, genre Tatie Danielle, est montée. J’ai hésité à lui proposer ma place. Elle a regardé deux petits jeunes dans les yeux et leur a dit : « Ces jeunes hommes vont me laisser leur place ». Quelle condescendance et quelle drôle de façon de s’adresser aux gens ! Du coup, j’étais bien contente de ne pas m’être levée pour cette teigne.
C’est vrai que c’est facile de céder sa place, il faut juste en avoir envie et être dans un bon état d’esprit. Tous ces gens remercient. Parfois. Mais voudraient-ils prendre ma vie ? Vivront-ils ma vie mieux que moi ?
Ma vie, j’aimerais qu’elle soit remplie de poésie. Tu crois que tu la vivrais mieux que moi, vraiment ? Prends ma place si tu veux, mais seulement si je te la propose, seulement si je te la cède.
Je pars cet été. Je change de travail. Je vais prendre la place de quelqu’un qui va prendre la place de quelqu’un d’autre et ainsi de suite. Un jeu de chaises musicales où normalement tout le monde pourra s’asseoir plus ou moins confortablement, de manière plus ou moins désirée ou attendue. J’aurais pu rester là encore un an ou deux mais je n’en avais plus envie. C’est pour ça que je laisse ma place. J’ai besoin de changement.
J’ai laissé de la place dans mon cœur pour toi. Et quand tu pars, je me sens un peu vide dedans. Tu me manques et j’ai hâte que tu reviennes près de moi. Toi aussi, tu as besoin de changement. Un jour, tu aimerais bien partir loin d’ici, le lendemain, tu te dis que tu es mieux ici, sans vraiment avouer que tu aimes bien rester près de moi, dans la place que je t’ai laissée dans mon cœur. Tu t’y sens moins seul, toujours soutenu et entendu.
Tu ne sais pas quelle chance saisir. Les années passent. Ton esprit et tes idées s’entremêlent et parfois se perdent dans un labyrinthe de propositions, de nouvelles interrogations. Tu te sens bien aujourd’hui et maintenant. Tu te sens comme dans du coton, c’est bon mais, au fond de toi, tu doutes, tu crains que cette texture ne devienne amère.
Je ne peux pas te promettre que la vie sera douce. Mais je m’y attelle : je veux de la poésie. Je veux la border de fleurs et de buissons, je veux la chérir sous un soleil fécond, je ne veux pas qu’autrui salisse mon perron. Je ne sais pas si on partagera la même maison.
Je suis mon chemin, tu suis le tien. Parfois, nous nous croisons, d’autres fois, nous nous éloignons. Nous nous retrouvons encore. Je ne suis pas encore arrivée dans ma vie pleine de poésie, toi non plus d’ailleurs. Un jour, nous pourrons peut-être dire : « Ça y est, j’y suis. »

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire