Quête de sens

– Bonjour Madame ! Bonjour ? Bon-jour !!!

– Arrête, elle ne t’entend pas.

Le petit Jean ne comprend pas pourquoi Salomé ne répond pas au salut du petit garçon. Dès son entrée dans la boulangerie, le père de Jean a repéré les amplificateurs derrière les oreilles de la jeune femme.

– Papa, elle est étrangère, la dame ? Hello ! Guten Tag ! T’as entendu, Papa, c’est ce qu’on a appris à l’école. J’suis fort, hein, Papa ?! Buenos dias ! Buongiorno ! Et ça, c’est avec Pépé Marcello et Mémé Conception ! J’suis fort, hein, Papa !

Quelque soit la beauté de la langue, Salomé n’entend pas. Il ne reste que les yeux pour voir les lèvres bouger, souvent deviner les syllabes, sauf si l’interlocuteur zézaie ou marmonne. Dans le premier cas elle se croit entourée d’Anglais dont elle lit les The, dans le second elle se croit au pays des borborygmes.

Soudain, un cri. Salomé crie.

– Bonjour, je voudrais une baguette s’il vous plaît !

Tout le monde se retourne, la vendeuse suspend son geste, la monnaie dans uen main au-dessus de celle du papa de Jean.

– Papa, j’ai peur. On rentre à la maison ?

– N’aie pas peur, je suis là, dit le père en entourant de son bras les épaules du garçon. La dame ne peut pas t’entendre. Son monde, c’est le silence. Et là, c’est comme si elle s’était réveillée.

– Tu crois, Papa ?

– Oui, mon fils. Allez, on s’en va. Tiens moi la main pour descendre l’escalier. Les marches sont étroites.

Salomé se retrouve face à la vendeuse.

– Je vous dois combien ? demande-t-elle en élevant la voix.

La vendeuse pointe l’index sur l’écran de la caisse enregistreuse. Salomé règle, puis sort.

Un parfum de châtaignes grillées flotte sur la place du village. C’est jour de fête, la fête du sanglier et de la châtaigne.

Le petit Jean tire la manche de son père.

– Papa, j’ai oublié mon bonnet à la boulangerie.

Le père murmure un « Mmmm », le regard perdu dans les yeux du sanglier sur la broche.

– D’accord, on y va.

Jean et son père font demi-tour. Au bout de quelques mètres, le garçonnet s’interrompt brusquement.

– Papa, tu achètes du jus de pommes ? C’est bon, me jus de pommes, hein, Papa ?! Papa, papa, regarde, la dame elle a du jus de pommes en bouteille.

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.