Révélateur d’âme

Il avait fait le tour du monde, son appareil photo accroché autour de son cou ou en bandoulière. Son appareil comme son troisième œil. Il voyait à travers lui des choses invisibles à l’œil nu. Des révélations. Il avait pris en photo l’âme des gens. Avec ou sans leur consentement.
Arrêter le temps. Figer une émotion. Attraper les nuages et le vent. Un défi permanent. Il était devenu le roi de la photo, le roi de l’instant, le roi de la photo instantanée.
Dans ce monde en mouvement permanent, son œuvre plaisait et les badauds arrêtaient leur course effrénée le temps d’un cliché.
Selon son envie du moment, ses photos étaient numériques, donc retouchables, photoshoppables et perdaient un peu de leur essence. Il devenait alors voleur d’âme. Quand il avait le temps, il enclenchait le film, prenait des clichés en tenant compte de la luminosité, des contre-jours, en plongée, en contre-plongée, statique ou en mouvement.
Dans la chambre noire, seul avec la lumière rouge, il souriait à chaque apparition de photo, qu’elle soit comme il l’avait imaginée ou qu’elle soit floue et ratée, peu lui importait, la révélation de sa prise le mettait en émoi.
Il retrouvait ainsi les sensations ressenties au moment précis du cliché. La photo de son amie prise au lever du lit, les yeux encore endormis et les cheveux tout ébouriffés. Ce moment où elle était juste elle, vraiment elle, avant de se parer pour se montrer sous son meilleur jour.
Il accroche la photo pour qu’elle sèche. Il ferme les yeux et sent la chaleur sur sa peau. Sa peau contre la sienne.

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