Marche arrière ratée

– J’en ai marre ! Je te dis que j’en-ai-ma-rre !

– Calme-toi ! Raconte-moi ce qui te chatouille, ce qui te gratouille… qu’est-ce qui trifouille dans tes neurones à te faire péter une durit.

– J’en suis au pic des emmerdements, oui ! Et quand ça commence, on ne sait jamais quand ça s’arrête.

– Certes, mais encore ?

– Tiens ! Lundi, je vais chercher ma voiture dans le parking. Et figure-toi… figure-toi bien, tu m’entends… Eh, tu m’écoutes ?

– Oui, autant que je te vois, picturalement.

– Hein ? C’est quoi ce vocabulaire ? J’en étais où ?

– Ta caisse…

– Oui, ma Mercedes. Eh bien, on m’avait embouti le pare-choc avant.

– Dame, c’est fâcheux !

– Fâcheux ? Mais c’est scandaleux, tu veux dire, honteux, ignomineux !

– Mollo ! J’ai l’impression que tu vas me taper. Alors, tu as fait quoi ?

– Directement chez les poulets pour porter plainte. Et là ! Si tu savais, mon vieux, si au moins tu savais.

– OK, OK, active ! Si je savais quoi ?

– Eh bien je suis tombée sur une paire de bras cassés qui ne savaient pas comment saisir une plainte ! C’est un comble, non ? Des incapables, j’te dis.

– Au lieu de médire, mets-toi un peu à leur place. Ils étaient peut-être en panne de réseau… ou bien ils ne savaient pas comment allumer leur ordinateur. Ça s’est résolu, ton histoire ?

– Ouais, le soir sur l’oreiller, ma femme m’a avoué qu’elle avait raté sa marche arrière avec son Autolib. Alors, j’ai voulu retirer ma plainte.

– Diantre ! Chez tes bras cassés ?

– Non, c’était une autre bande. Pas des rapides, non plus. Ils ne trouvaient plus la référence de la plainte initiale. Alors je n’ai pas pu rétro-pédaler, et j’ai dénoncé Juliette.

– Quoi ? Tu as fait ça ?

– Ben oui. Donc ils sont venus l’arrêter à sa descente d’Autolib. Tu comprends, il faut qu’elle fasse attention. C’est ma Mercedes, quand même.

– T’es vachard, toi, dis donc.

– Non, non, attends ! J’avais demandé aux flics d’être cléments ; quelques points en moins sur le permis et un stage d’immersion de 48 h dans le service de poly-trauma à Garches.

– Mon salaud ! Tu ne l’as pas ratée !

– Ecoute, sur le coup, j’ai fait valoir mon titre de commissaire. Donc j’ai eu ce que je voulais. Maintenant, elle roule en Vélib. Et elle ne fait plus de mal aux voitures.

– Elle ne t’en veut pas ?

– Un peu… Je dors sur le canapé du salon, elle ne repasse plus mes chemises, non plus. Mais je survivrai.

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

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