Sur le quai

Sur le quai de la gare, il attend. Il attend la vie des autres, à défaut de vivre la sienne. Son sac de couchage est replié, son sac à dos est bourré des souvenirs d’une existence qui s’est arrêtée. 10 ans déjà qu’il a tout perdu : travail, famille, maison. La rue l’a accueilli et il ne l’a plus quittée.

Sur le quai, il y a des valises qui roulent.

Sur le quai, il y a des voix qui s’élèvent, des amis qui se retrouvent et s’embrassent.

Sur le quai, il y a les uniformes des militaires qui patrouillent sans le voir, la mitraillette en bandoulière. Ils guettent le moindre sac abandonné. Lui se fait tout petit, pourtant il n’est pas dangereux.

Sur le quai, il y a des bousculades ; ceux qui courent après le train entrechoquent ceux qui se trompent de voie.

Sur le quai, on entend les crissements de frein. Une voix artificielle de femme annonce l’arrivée du train. Les sourires arrivent aux lèvres de ceux qui attendent un homme, une femme, un fils, une fille, un amant, une maîtresse, un parent, un ami.

Sur le quai, il y a des trains qui partent et lui qui ne quitte jamais la gare ou ses alentours. Il est devenu un habitué. La manche lui permet de se doucher dans les sanitaires. Les filles qui y travaillent le connaissent bien. Il arrive le matin avec son grand sac plein de la fatigue de la vie. Il en ressort un peu plus propre, avec un semblant de dignité.

Puis il retourne sur le quai, à rêver une vie qui n’est plus la sienne, mais qui l’a été, dans le passé.

Celle des embrassades, de la course après le train, la valise à la main.

Celle des pleurs d’enfants, lorsqu’il fallait dire au revoir à la mer. C’était la fin des vacances, et Camille tenait à ramasser du sable dans un petit flacon transparent. Elle collectionnait les fioles de sable comme son frère préférait les petites voitures.

A présent, Camille et Louis grandissent loin de lui. Peut-être même l’ont-ils oublié.

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

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