La vieille

Tu es vieille maintenant. Seule dans ta cabane avec tous tes souvenirs. Tu regardes le marécage et tu frémis dans l’humidité. Ils sont tous partis. Tu es la survivante.
Te souviens-tu de la ville ? De sa lumière ? Était-ce en Suède ou en Norvège ? Tu te souviens de ces fenêtres ouvertes sur les jardins, les piscines, la terrasse au soleil. Et puis tu ne sais plus. Tout s’envole. Tu regardes haut les nuages et tu cherches. Tu cherches une présence. Tu cris : tu es où ? Le vent tourne et chasse les figures dans le ciel, le sommeil guette.
Il y avait le feu sur la route et tous fuyaient. Ils marchaient sans but. Certains couraient si vite qu’un peu plus ils auraient volé. Il a fallu du temps, il a fallu la solitude pour que la lumière revienne. Tu te souviens de cette musique, les mélodies qui bercent et laissent chacun dans ses pensées, quand il n’y  a rien à dire, rien. Et le chant des moissonneuses et le bateau du pêcheur. Tu répétais Demain n’existe pas. Et pour  étouffer ta peur, tu plongeais dans les livres. À toi le Château de Versailles, les amitiés naissantes, ces histoires de tous qui deviennent nôtres. Et le lapin qui fait le guet, le lion qui  s’en va seul se reposer après la chasse, l’enfant qui paraît. Lire met de l’air dans la vie et on s’en va un peu, immobile, les yeux fixes. On se sent devenir soi quand tout s’est éparpillé. Les mots des autres deviennent les nôtres. On écoute et on voyage loin, au plus près de son cœur, on parvient.
Maintenant tu as rejoint le silence. Tu attends que tout se termine. Tu es prête. Il n’y a qu’à regarder ton visage pour le savoir. Vieille femme solitaire, retirée de tout, nichée au plus près de toi-même.

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