… agitée, pour de bon

Elle doit faire une présentation PowerPoint pour ses collaborateurs, suite au séminaire sur la productivité. Vous vous souvenez, là où un type en col Mao a décrété qu’il faut ralentir et se taire pour capter l’agitation du papillon…

Elle a réfléchi, puis s’est dirigée vers le métro. C’était un soir de mauvais temps. Incident technique en station. Elle s’emporte.

– Mais pourquoi as-tu pris le tourniquet ? Ils ont ouvert les portes ! Ah ! Maudit sois-tu, toi, si lent !!!

Elle marmonne. Le larbin va la retarder. C’est un stagiaire, qui maladroitement essaie de suivre son rythme effréné.

Dans la rame, il essaie de nouer le dialogue.

– Mais quand il dit de ralentir, il prône un antidote au mouvement, non ?

Elle ne l’écoute pas, ou si peu. Elle tient absolument à lui prouver par A+B que mathématiquement, ce n’est pas en se taisant pour capter l’agitation du papillon qu’elle va faire décoller ses ventes de trottinette électrique en Asie.

Déjà, elle pense à son séminaire à elle, au château. C’est le surnom donné à l’hôtel particulier, propriété de la société, où les cadres viennent remobiliser leurs troupes. Elle a prévu une session sur le pilotage par objectifs. En sus, elle va faire passer la pilule des salaires indexés sur les résultats atteints. La part du variable va augmenter. C’est encore un secret, et elle compte sur un stage commando pour l’instancier.

 

Arrive le premier jour. Le stagiaire-larbin est de la partie. Elle ne sait même plus comment il s’appelle. Et Larbin, cela lui va bien.

– M’as-tu apporté ton sifflet ? questionne-t-elle

Elle a appris qu’il arbitrait le week-end des matchs de jeunes en banlieue.

– Oui, madame, répond-il entre deux bouchées de croissant.

– A lieu de manger intempestivement, va vérifier qu’ils sont en tenue. Dès le début, je veux faire d’eux des guerriers. Le dernier arrivé à l’issue du parcours sera de corvée de plonge pour tous les participants des formations.

– Mais il y a des lave-vaisselle, objecte le stagiaire.

– Je sais, mais je veux leur faire peur. Cela va les motiver. Nettoyer 50 assiettes, 150 couverts et les plats, le jour du gratin dauphinois, ça calme, crois-moi.

 

Le stagiaire la trouve bizarre, cette fille-là. Il se demande si elle ne prend pas des amphéts. Il a lu dans une revue très sérieuse que nombre de cadres se chargent pour tenir la cadence. Il avait peu d’espoir qu’elle ne lève le pied, et s’attendait à la supporter les 3 jours de la session.

Les conditions de logement des stagiaires étaient spartiates. Un lit au matelas mince, un lavabo, des sanitaires et douches communs.

Il aurait cru mieux, en intégrant cette grande boîte. Des anciens de l’école l’avaient prévenu, mais il avait préféré vérifier avec ses propres yeux. Cette cadre était une furie tortionnaire.

– Mal baisée, disaient les uns.

– Tu parles ! Un gros complexe d’infériorité, clamaient les autres.

– Elle écrase pour mieux régner, s’accordaient-ils tous.

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire