Entre la rue du Temple et la rue du Renard

Entre la rue du Temple et la rue du Renard, le state de marbre attend.

Elle guette les voitures qui rouleront bientôt.

Elle épie les contractuelles qui feront pisser l’encre de leur stylo sur leur carnet à souche.

Ça, c’était avant.

C’était quand les véhicules étaient rares, car chers.

C’était quand les agents verbalisaient à l’écrit, glissant un fin papillon de papier entre l’essuie-glace et le pare-brise.

 

Maintenant, la statut de marbre n’a aucun répit. La circulation est permanente, et les agents usent d’un stylo électronique pour dresser des P.V., dans le meilleur des cas. On pose bien plus vite un sabot, direction fourrière. Le marbre blanc est devenu gris.

 

Entre la rue du Temple et la rue du Renard grouille une fouille hétéroclite. Touristes amateurs d’art contemporain et fêtards se croisent. Les premiers font la queue en attendant l’ouverture des portes de Beaubourg ; les seconds, les yeux cernés et avinés, cherchent leur chemin.

– T’es sûr que t’habites dans le Marais ?

– Ouais, dans le marais poitevin, quoi.

– Merde, il faut que t’ailles à Montparnasse.

– Qu’est-ce que tu me racontes ? Regarde le panneau : ma-rais. J’sais encore lire, moi !

– Non, écoute-moi, ici, on est dans le marais de Paris. Et toi, tu vis dans le marais de Poitiers. Tu comprends ? C’est pas pareil.

– T’es sûr ? Mais alors, je suis perdu ? Oh là là , j’ai pas de chance ! Je suis comme l’oiseau de mauvais augure qui joue à la tempête. Eh, copain, tu vas m’aider à retrouver le nid ? Nid…une… nid… deux… nid… trois… glycérine ! Bouhhhhhhh ! Je suis perdu !

– Calme-toi. Au fait, c’est quoi ton nom ? C’est pas parce qu’on a pris une biture ensemble qu’on est potes, hein ?! Moi, c’est Rémi, et toi ?

– Qui ça, toi ? Pourquoi tu m’appelles pas Arthur ? C’est ce que dit mon frère quand il est fâché : « Tu vas finir par te faire appeler Arthur ». T’es fâché, copain ?

– Mouais… on n’est pas aidé… Ecoute-moi, Arthur. Eh, oh, Arthur, regarde-moi ! Je vais te mettre dans le train pour Poitiers. Tu te rappelles ton adresse ? T’as une carte d’identité ?

– J’ai ma carte d’adhérent au Chicabunga, si tu veux.

– Au quoi ?

– Le club Chicabunga ! Tu connais pas ? Pourtant, c’est archi connu, chez moi !

– Ah… passons. On doit chercher un métro.

– Oui, copain.

– Viens, il y a un plan, par là. Alors on est ici, station Hôtel de Vigne… euh non, Ville. Ligne marron, et ligne jaune.

– Ligne jaune, comme sur la route ? C’est marrant, ça ! Et ligne marron… ooooh c’est quand je me lâche…

– Oui, oui, on a compris. Alors, Montparnasse, c’est là… ligne verte, violette… Purée ! On n’est pas arrivés ! T’as de l’argent pour un taxi ?

– Tu peux clarifier tes idées ? J’ai mal à la tête. Et puis, zut, débrouille-toi. Tant qu’il y a du pinard, y a de l’espoir !

– Mais… je me mélange avec toutes ces couleurs. A Marseille, c’est plus facile, il y a deux lignes de métro à tout casser. 2 ? 3 ? je ne voyage pas souvent avec, tu me diras. Attends, on va aller jusqu’à Luxembourg…

– Oh l’autre ! Je vois dans ton regard que tu veux m’entroupouler… m’empourlouter ! Tu m’causes du Luxembourg, maintenant. T’avais pas dit que j’habitais à Poitiers ?

 

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

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