Le marché

28/11/18

Déjà tout petit, j’adorais aller au marché. Lorsque l’on me promenait en poussette, je laissais toujours traîner une main dehors pour attraper tout ce qui pouvait passer par là. Parfois, c’était une orange enveloppée d’un papier froissé multicolore dont j’adorais le bruit quand je le serrais entre mes doigts. C’était comme ouvrir une papillote de Noël. Parfois, c’était un navet que je reposais aussitôt, encore traumatisé par le pot-au-feu du dimanche précédent. Parfois, c’était une belle framboise que me tendait la dame qui vendait les fruits, entre deux annonces pour promouvoir ses melons. Ah, ils étaient bons ses melons… C’était Maryline qui m’emmenait au marché, le dimanche matin. Maryline c’était la bonne, disait Maman, mais pour moi Maryline c’était bien plus : ma soeur, ma nounou, la cuisinière, mon meilleur compagnon de jeu et, bien sûr, celle que j’allais épouser le jour où j’en aurais l’âge.

Alors que je grandissais et que mes amis se retrouvaient le dimanche pour jouer, faire des tours de vélo ou aller donner du pain sec au vieil âne Jojo, moi, je continuais à accompagner Maryline au marché. Elle sortait de la maison avec deux grands paniers et un porte-monnaie gonflé de pièces qui me semblait renfermer un trésor démesuré, comme dans mes albums d’aventures. Notre rituel était alors toujours le même : je l’accompagnais jusqu’au vendeur de légumes puis allais m’asseoir au Café de la Place en faisant semblant de lire le journal. Au bout d’un quart d’heure, Maryline venait déposer à mes pieds un panier plein à craquer puis ressortait en trombe en direction du boucher. Je sirotais une menthe à l’eau en la voyant passer et repasser sans cesse en criant “J’arrive !”. Quand elle revenait avec le second panier rempli, elle s’asseyait à côté de moi et regardait dans le vide. Tout à coup, elle se frappait le front et disait : “Mince, les navets !”.

 

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