Aimer tue

Elle a la peau sur les os
Le cœur dans le dos
Dans les yeux, de l’eau
Aimer tue
Elle se terre
Tombe au fond de la mer
Sa gorge se serre
Aimer tue
Elle ne répond pas
Vise l’au-delà
Sèche les repas
Aimer tue
Elle a 15 ans
Voudrait en avoir cent
Déteste ses parents
Aimer tue
Absente au lycée
Elle marche tête baissée
Dedans, ça n’arrête pas de saigner
Aimer tue
Autour d’elle, on s’inquiète
Où s’arrêtera cette quête ?
On ramasse les miettes
Aimer tue
Ici vit un peuple de boue
Juge l’ado à bout
Dans sa tête, ça boue
Elle erre dans la ville
De sa démarche gracile
Fragile
Est-ce le chant des oiseaux
Le plumage des corbeaux
Qui lui ôtent les mots ?
Une larme verse
Comme un enfant qu’on berce
Un cri perce
Aimer tue, hurle t’elle aux passants médusés
Je suis géniale, reprend-elle éberluée
Je suis moi et toi et toi et toi
Aimer tue mais je ne veux pas me taire
Je ne veux pas mourir
Même morte, je veux vivre
Retire cette corde
Fends cette horde
Et frappe du pied
Tu seras colère
Tu seras rouge
Tu seras soleil
Brûlante et rayonnante
Vis ma fille !
L’adolescente se couche et dort.
Elle dort longtemps et, au matin, réclame une tartine
Elle fait son sac, attend à la grille du lycée le moment où ça va sonner.
Elle va à sa place
Ouvre son cahier et note la leçon
Une suite logique qui pose question
Elle réfléchit
Trace une courbe
Elle compte
Lève le doigt et répond.
Aimer tue, elle le sait.

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5 réponses à Aimer tue

  1. Emmanuelle P dit :

    Merci Cécile de ce texte bouleversant qui, dans ce qu’il raconte, résonne comme une rencontre.

  2. Cécile C dit :

    Merci Emmanuelle. Sais-tu ce qui te bouleverse dans ce texte ? Les 4 premières lignes sont empruntés aux murs de Paris, ce sont des aphorismes. Pour moi, ces 4 lignes qui m’ont été offertes ont résonné comme un cri et, en réaction, une adolescente a surgi de mon stylo. Une adolescente qui souffre, mais ne se laisse pas engloutir par sa souffrance.

    • Emmanuelle P dit :

      Oh oui, je sais ce qui m’émeut. Mis bout à bout
      Elle a la peau sur les os / Sèche les repas / Elle a 15 ans / Elle marche tête baissée / Dedans ça n’arrête pas de saigner
      ces mots racontent une histoire qui résonne.

  3. Corinne SB dit :

    Chère Cécile ,

    Ce Aimer tue est bouleversant , pour moi la forme et le rythme de ton texte crée le cri profond de désespoir de la jeune fille .
    Tu as tracé son chemin et à la fin la rédemption , l’acceptation et la tartine!

    Merci pour ce moment de grande émotion!

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