Il n’y aura plus de fêtes

La cafetière automatique est en marche devant mon œil interloqué. Il est minuit. Qui a eu l’idée de m’offrir cet engin maléfique. Qu’est-ce qui lui prend ? Je m’approche, 00 : 00. Evidemment, programmation zéro mais bouton start enclenché, il ne me reste plus qu’à la débrancher. Mon regard balaie lentement la grande pièce nue et froide. Non cette année, il n’y a pas eu de sapin décoré, pas de boules, pas de guirlandes. La maison est vide. Elle est vide et désertée depuis des mois. Il est loin le temps où ta main dans ma main, nous étions assis sur le canapé, à écouter à 20 heures, Christine claironner « bonsoir » à la télé. Le temps s’est écoulé, tel un escargot escaladant un pot de géranium sur le rebord de l’escalier. Les mois ont passé, les années ont passé. Nos printemps sont devenus des étés, puis des automnes et enfin des hivers avec le refroidissement des sentiments, la grève générale des mots tendres et des compliments. Les fêtes sont devenues corvées, le champagne a perdu ses bulles, le foie gras est devenu pâté, les huîtres n’ont plus donné de perles. Comme les émotions, notre compte en banque a emprunté une pente descendante. Notre petit magasin qui affichait une devanture pimpante, a vu ses couleurs se faner. Les bocaux de bonbons ont commencé à attendre que des petites mains se tendent vers eux, les yeux brillants se sont détournés. Nous avons ajouté des peluches, ours, moutons, agneaux, mais ils n’ont pas fait ralentir le flot de poussettes et de patinettes. Il a bien fallu le constater, le berger s’était trompé de chemin et il n’y aurait pas de fève en or dans la galette. Et le berger a programmé sa dernière transhumance, refusant d’attendre que l’immeuble s’effondre. Après une ultime scène de ménage, il a pris son manteau, son sac et a claqué la porte. Une dernière fois, la clochette de l’entrée a tinté, en se balançant sous la marquise.

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