Le bonheur à l’encre sympathique

Publié le 13 mars 2018 par Marija D

Il y avait une pendule fixée sur le mur du fond. Le balancier faisait des va-et-vient légèrement hypnotisants. Dès qu’on passait le seuil, les regards s’arrêtaient une longue seconde sur cet objet planté là, dans un endroit où le temps ne compte pas, dans ce lieu où le temps est généralement suspendu.
Elle y était entrée d’humeur plutôt joyeuse et aussi rêveuse. Les deux n’étant pas incompatibles. Par contre, une pendule ici et maintenant, ça l’avait plus que surprise. En s’approchant à pas de loup, elle se rendit compte que les aiguilles ne tournaient ni dans un sens, ni dans l’autre. Aucune trace du temps qui passe. Juste le balancement lent et doux qui la berçait.
Rassurée, elle fit volte-face pour glisser ses doigts sur chaque reliure, chaque nom d’auteur, chaque titre. Au rayon littérature classique étrangère, un livre n’était pas aligné avec les autres : Songe d’une nuit d’été. Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ? Était-ce parce que l’été pointait enfin le bout de son nez ? C’est vrai, la nuit lui ouvrait des espaces, le jour, c’était les livres qui le faisaient. Chaque fois qu’elle le pouvait, elle se ruait dans un livre, elle se précipitait dans un conte moderne, trépignait quand le danger était imminent.
Elle faisait le tour des librairies du quartier. Elle en avait quelques-unes qu’elle préférait. Tout dépendait de ce qu’il y avait dans la vitrine. Aujourd’hui, elle avait vu un traité sur l’amour. Elle a cru à une blague et est entrée. Cette pendule fixée sur le mur du fond l’avait intriguée.
L’endroit lui avait paru à la fois contemporain et perdu dans un autre siècle. Elle avait apprécié cette surprise qu’elle s’était faite à elle-même. Contente d’avoir écouté son cœur et son instinct lorsqu’elle avait vu le nom de la librairie : Le bonheur à l’encre sympathique.
Elle s’était dit « Ah, ça promet ! » Maintenant qu’elle y était, les promesses étaient tenues.