Samedi, 16 heures

Une tête dépasse de la foule. Au moins elle n’étouffe pas sous les aisselles des autres. Elle tourne la tête à droite, elle tourne la tête à gauche. Elle semble chercher quelqu’un, sûrement quelqu’un de plus petit. Elle se retourne presque à 360° pour mieux voir derrière. Elle revient de face et fixe droit devant.
Sa paupière plisse. Soudain, son œil brille. Elle a trouvé ce qu’elle cherchait, une cible ? Un ami ? Un enfant ? La girafe joue des épaules et des coudes, se faufile sans perdre le fil.
Elle atteint enfin la petite tête qu’elle décoiffe d’un geste affectueux. Elle lui prend la main pour ne pas le reperdre dans la foule. Ça s’agite autour d’eux, il vaudrait mieux filer.
La grande perche ne mâche pas ses mots. Un seul mot suffit pour donner le la : « Viens ». L’enfant suit, passe entre les jambes. Ils sont à contre-sens lui semble-t-il. Il court plus qu’il ne marche pour suivre la cadence.
Ils arrivent à une intersection, se glissent dans la rue adjacente vide de monde. L’enfant s’arrête, il a chaud dans son blouson, sous son bonnet, son écharpe le sert trop. Le visage de sa mère se trouve soudain face à lui.
Elle l’aide à se défaire, il est en nage. Il retire son bonnet, elle le met dans son sac. Il faut s’éloigner plus que cela pour ne pas prendre des éclats. Elle lui redonne la main pour avancer de quelques pas. Ils se cachent sous un porche. Une trottinette passe sur une flaque et éclabousse leurs chaussures.
– Écoute, dit-elle
L’enfant la regarde fixement pour lui donner toute son attention. Elle ne dit rien mais ils se sont compris. A trois, ils se décident. Un. Deux. Trois. Ils courent de toutes leurs forces. Ils sont presque arrivés. Encore quelques mètres.
Elle appelle à l’interphone. La porte s’ouvre. Ils montent les étages quatre à quatre, entrent à la maison.
– On est partis à la chasse au pain, dit l’enfant
– On s’est tordus le cou pour retrouver le chemin, dit la mère
– Moi, j’ai écouté à l’anglaise, dit l’enfant qui les attendait sagement devant un dessin animé
– Ah oui ? s’interroge la mère.
Elle part dans la cuisine, coupe le pain en tranches, le tartine de beurre, étale la confiture en couche épaisse. Le lait est chaud, elle ajoute du cacao, remue jusqu’à ce qu’il y ait un peu de mousse sur le dessus. Elle dépose une tasse et deux tartines sur chaque plateau. Elle apporte le tout au salon.
Le dessin animé est terminé. Les enfants se précipitent à table et croquent à pleines dents dans leurs tartines. En quelques secondes, ils ont une belle moustache en chocolat tandis que leurs petites bouches continuent à mâcher vigoureusement le bon pain frais.

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