Un temps d’arrêt

La terre avait tremblé pendant la nuit. Les livres étaient tombés des étagères. La lampe de chevet s’était couchée, épuisée. Le village s’était levé couvert de poussière blanche. Les pas ne résonnaient pas. Seules les pierres roulaient et s’écroulaient davantage.
Le village gardait les bras au-dessus de la tête, marchait aussi adroitement que possible d’une tuile à un bloc de béton. Le village entendait les pleurs des mères, les cris des blessés, les aboiements des chiens qui indiquaient les endroits où il fallait déblayer. Retrouver un souffle, retrouver une âme, retrouver un corps abîmé mais vivant.
Le balancier de la pendule tentait de reprendre timidement son mouvement, se cognant sur le bois fracassé d’un côté, sur une jambe coincée de l’autre.
La lumière du matin était trop éblouissante. Le village entier se dirigeait vers un même point, un point à l’horizon où la terre paraissait plane. Le village se soutenait par les coudes, les épaules. Le village portait ses enfants à bout de bras. Sur la colline, le rassemblement devint de plus en plus dense.
Après la terre, le ciel se mit à trembler. Roulements divins d’une ire d’orage.
La pluie lessiva la poussière, nettoya les gravats. La pluie se mélangea à la terre, au sable, au plâtras. La pluie créait le béton nécessaire à la reconstruction, la pluie lavait le village de son sang séché.
La pluie s’arrêta enfin.
Le village échangea des regards, se compta et se recompta. Tout le village était debout sur cette colline, tous autour d’une jeune pousse verte rebelle parmi les pierres.

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