Le courage de peindre sa vie

Emilie se promenait au milieu de la forêt. Elle partait toujours juste après le repas car elle savait que Martin serait là, fidèle au poste. Au détour d’un chemin, toujours le même, il était là à peindre le même paysage. Le même paysage et pourtant jamais le même tableau. Emilie s’installait derrière lui quelques instants pour chercher le nouveau détail du tableau ou celui qui avait disparu. C’était u peu comme jouer au jeu des 7 différences. Ce jour-là, un couple enlacé était apparu derrière un arbre. Ils se tenaient par la taille, emmitouflés dans leurs manteaux et écharpes. L’homme légèrement plus grand semblait distrait, regardant par-dessus son épaule droite. La femme quant à elle essayait d’attirer son attention. Tout à coup en les voyant, Emilie eu l’impression de se voir. Elle et Martin. Toutes les semaines, elle passait plusieurs minutes avec Martin sans jamais rien dire ou faire, dans l’espoir de recevoir un geste, un sourire. Elle avait une seule fois osé poser sa main sur son épaule. Martin avait simplement continué comme si de rien n’était. Emilie décida de continuer son chemin. Ses pensées devenaient trop erratiques. Il lui fallait marcher. Depuis 2 ans, elle s’imaginait Martin toute la semaine avant de le voir. Elle rêvait d’un futur à deux. D’une balade au bord de l’eau qui finit enlacé sur un tronc d’arbre. Depuis que leurs regards s’étaient croisés pendant la fête foraine du village, elle avait essayé de lui parler, de le connaitre. Leur seule connexion restant pourtant ces quelques instant dans la forêt, lui peignant et elle regardant. Emilie se décevait souvent de ne pas être capable de lui parler tout simplement. Elle avait l’impression d’être à nouveau enfant dans la cour. Regarder les autres ‘amuser, discuter assis sur les marches et ne pas savoir quoi faire pour être accepté. Elle avait pourtant cru s’être débarrassée de cette timidité, de ce malaise. Apparemment pas quand cela compte, se dit-elle. Au village, elle connaissait tout le monde, saluait les gens sur son passage, discutait un instant avec Marcel et Rachel devant leur maison. Elle était toujours souriante et avenante. Mais avec Martin, elle se figeait et aucun son ne sortait. Parfois, un signe de la main en rougissant. Même quand le père Antoine les avait officiellement présentés, elle n’avait pas réussi. Elle avait bégayé quelque chose d’inintelligible et s’était sauvée. Laissant les deux hommes interloqués. Et maintenant, cela faisait 2 ans et les choses ne semblaient pas vouloir changer. Dans sa marche, elle était revenue sur ses pas sans s’en rendre compte et approchait de Martin. Celui-ci s’était arrêté de peindre pour discuter avec les jumeaux Ambre et Auguste, toujours sur leur âne. LE visage de Martin s’illuminait et il parlait en agitant les mains. Elle ne l’avait jamais vu aussi vivant. Avec elle, il était toujours concentré sur sa peinture. Elle s’approcha un peu plus et attendit que les jumeaux reprennent leur route. Elle voulait cette énergie tourné vers elle, pour elle. En même temps, se mains étaient moites et sa gorge se serrait. Pourquoi avait-il cet effet sur elle ? Elle lui tapa sur l’épaule et bredouilla :

« Salut ».

 

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