Une longue impatience de Gaëlle Josse (Edts Notabilia)

En première noce, Anne a épousé Yvon, un marin pêcheur disparu en mer. Après ce drame, il lui a fallu trouver un travail pour  subvenir à ses besoins et à ceux de Louis, son jeune fils désormais orphelin de père.  Peu instruite, peu qualifiée, elle a trouvé un emploi à la conserverie  locale. Là, elle a connu les mains abîmées,  le dos cassé, les gestes mécaniques toujours trop lents pour tenir la cadence. Et puis, Etienne, le  pharmacien de ce bourg breton,  lui a enfin déclaré sa flamme… En fait,  il a toujours aimé Anne, celle avec laquelle il  n’avait pas droit de jouer lorsqu’il était enfant. Quand on est un fils de bonne famille, on ne se commet pas avec les pauvres !  Voyons !

 

Ce second mariage, qui permet à Anne de changer de statut social, suscite bien des ragots, bien des jalousies. C’est pourtant un mariage heureux et les deux enfants qui naissent comblent leurs parents de bonheur. Etienne et Louis tentent mutuellement de s’apprivoiser, d’accepter la présence de l’autre, mais ce n’est pas facile car chacun vit l’autre comme un rival. Un soir, les choses dérapent : Etienne  dégrafe sa ceinture et d’un geste sans retour, il frappe son beau-fils.

 

Après ce déchaînement de violence, Louis disparaît. Au début, tout le monde – Anne, Etienne, les gendarmes – tente de minimiser l’affaire.  C’est sûr, l’adolescent a fait une simple fugue et  il va bientôt revenir… Mais Anne doit se rendre à l’évidence : Louis s’est embarqué sur un bateau au long cours et n’entend plus donner signe de vie.

 

A partir de ce moment, l’attente dévore Anne, plongée dans un drame personnel mais aussi universel. A l’instar de toutes les mères, comment  pourrait-elle survivre à la disparition de son enfant ? Elle ignore même s’il est encore en vie.  Du  haut de la falaise, et tout en se remémorant  des fragments de sa jeunesse, elle ne cesse de guetter le bateau qui la ressuscitera.  Sans jamais tomber dans le pathos, le style de Gaëlle Josse, fait de mots justes, de phrases courtes et ciselées, rend avec la même force la douleur infinie d’Anne et la beauté des paysages, où se mêlent les odeurs, les embruns et les couleurs de la lande bretonne.

 

Enfin, il y a les lettres qu’Anne envoie à son fils. Peut-être ne les recevra-t-il jamais, mais dans chacune, elle décrit le merveilleux festin qui scellera leurs retrouvailles, ce moment où l’un et l’autre, ils pourront se repaître du «  temps obscur et doux de l’inséparé ».  Un livre bouleversant.

Françoise Dumont

 

De la même auteure  et à lire avec le même plaisir : Le dernier gardien d’Ellis Island.

 

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