Il s’était pris une prune, et il était furax. Sa femme essaya de le calmer, par l’humour.
« Ca doit te rappeler « Signé Furax », c’était sympa ! ».
Mais l’humour ne prit pas et ne réussit pas à le dérider, bien au contraire :
« ne me rappelles pas que je suis un vieux con !».
Devant cette hémorragie de mauvaise humeur, elle capitula et se mit à faire la tête, ce qu’elle savait qu’il ne supportait pas. Effectivement, il bougonna encore quelques minutes, puis finit par lâcher.
« Ca ne va pas ? je peux faire quelque chose pour toi ? ».
« Si tu es assez calmé, on pourrait goûter ma tarte aux framboises ? ».
« Non ! De la tarte aux framboises, et toi qui ne me disais rien ! Fonçons à la cuisine !»
Au bord de la table, elle était là, royale, une tarte à la garniture rouge carmin. Il commença à se détendre vraiment, et ….sortit le pot de crème fraîche du frigo. Et elle dit :
« En plus, avec le reste de framboise, je t’ai fait quelques pots de confiture, et en passant bien les framboises à la passoire. Je sais que tu as horreur de sentir les pépins sous la dent. »
Il goûta la première bouchée et s’exclama « on dirait qu’elles viennent d’être cueillies sur la branche. Ce sont toujours celles du jardin des voisins ? »
« Oui, et d’ailleurs, ils ont un coup de main à te demander… oui, pour déboucher leur évacuation d’eaux usées qui va à la fosse septique… ».
Tout à coup il se remit en colère.
« Et tu as accepté ? sans me demander ? tu ne leur as pas dit que j’en avais marre de me plier en quatre pour remplacer leur plombier ? les framboises, c’est bien, mais ça ne vaut pas ! »
Elle reprit sa petite mine contrite (elle se souvenait pour cela de l’état d’esprit dans lequel elle se mettait pour aller à confesse, du temps où elle était confite en dévotion…).
« Mais Germaine m’aide surtout à supporter la solitude, la journée, quand tu travailles. C’est ma seule amie. Elle nous trouve toujours des bons plans. Tu pourrais quand même faire ça pour moi ! »
