Le canal

Il avait suivi le canal, avec son eau grise et lourde emprisonnée par les deux rives rectilignes. L’herbe rase commençait à peler, l’automne s’était installé. Sur l’autre berge, les arbres plantés au cordeau formaient un rideau contre l’horizon. De toute façon, il n’y avait pas grand chose à voir derrière, juste quelques champs, et de rares bosquets qui n’arrivaient pas à briser la monotonie du paysage. A sa gauche, il devinait au loin les caténaires et les pylônes de la voie ferrée, qui s’étendait aussi régulière que le canal. Tout était plat, droit, ininterrompu dans son ennui.

Arrivé au déversoir, rare rupture, il s’assit sur la berge et sortit son paquet de cigarettes. C’était machinal, il avait encore oublié son briquet. Mais cela lui occupait les mains. Les coudes sur les genoux, il tournait et retournait le paquet sans le voir. Le soir commençait à tomber, le gris du ciel se tintait au loin. Il entendit passer un train derrière lui, porté par le vent froid. Il se rengonça dans son col et tira sur ses manches.

L’eau était toujours là, à peine ridée par l’air. Une eau lourde, pesante, qui semblait vouloir se refermer sur vous comme de la vase. Le déversoir donnait à voir un peu plus de transparence grise-verte, mais à peine. L’eau retombait à peine un mètre plus bas, mais il savait qu’à cet endroit elle était plus profonde. Pas de beaucoup, non, mais suffisamment pour qu’il lui maintienne la tête sous l’eau assez longtemps. La surface s’était refermée autour d’elle, et elle était partie plus loin, entre les deux berges droites et mornes.

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